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Les chroniques de l'impossible
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Les chroniques de l'impossible

VIP-Blog de usus
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  • Créé le : 02/02/2010 05:56
    Modifié : 12/02/2014 14:39

    Garçon (64 ans)
    Origine : Toul
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    Rencontre

    12/02/2014 14:39



    Novembre s'étirait dans un triste ballet de papiers sales le long des rues grises. De trottoirs en ruelles, il traînait son ennui au milieu des fantômes des passants, des poubelles pleines, débordantes aux  volumes laids et déprimants. Sur un mur lépreux, une affiche de cirque presque arrachée exhibait ses couleurs passées. Même sorti de l’usine, il avait toujours du mal à soustraire de son esprit les cadences abrutissantes.  Verrouillage des brides, contrôle du serrage, envoi de la coupe, lubrification, démontage, la pièce dans le panier, recommencer encore…(Les mains sont automates. L’esprit est si loin de la machine). Il lui fallait quelques heures pour se déconnecter. Parfois il n’y arrivait pas.

     

    Il passa devant la façade du magasin, noircie par l’incendie, et l’image de Blanche, les chairs brûlées, hurlant de douleur, monopolisa de nouveau ses pensées. Arriverait-il à oublier un jour? Le drame l’avait plongé au plus profond d’un désespoir morbide. Depuis, il pensait qu'une sécheresse du cœur, une immersion dans un autisme volontaire le protégerait  de toute autre blessure future. Il n’avait pas vraiment soif mais l’habitude le fit pousser la porte du café. Assis devant son verre il méditait sur la réelle utilité de sa présence dans ce monde. Même sa gauloise ne lui procurait plus aucune satisfaction.

    Il ne la remarqua pas immédiatement. Pourtant c'était rare de voir une femme debout au comptoir. Elle n’était ni belle ni laide, juste effacée, se faisant discrète, vêtue d’un tailleur gris et sage. Elle aurait pu être une de ces secrétaires entre deux âges qui n’attendent rien de leur job. Pourquoi ne pouvait-il  détourner son regard ? Peut-être à cause de cette nuance de bleu dans ses yeux, si proche de l’azur de ceux de Blanche. Et cet imperceptible pli aux commissures des lèvres qui lui donnait cet air résigné.  Dans sa mémoire, le doute s’installait. Blanche avait ce détachement sur le visage, un mélange de charme et d’indifférence qui se muait en passion quand elle le couvait du regard comme une louve possessive. Il resta de longues minutes à contempler l’inconnue, immobile. Malgré lui, il ressentit, au fond de son esprit, cette étincelle d’émotion qu’il avait mis longtemps à étouffer. Mais la carapace était coriace. Il l’avait trop bien construite pour qu'elle cède sur une simple impression.

    Elle buvait son thé à petites gorgées précieusement, lentement, les yeux fixes, si sereine. Elle tourna la tête dans sa direction. Leurs regards se croisèrent. Elle semblait indifférente. Sur son visage régulier, il eût aimé voir l’esquisse d’un sourire, un semblant de réaction. Puis elle se retourna vers la glace et les étagères à bouteilles. Il se leva et sortit, sans vider son verre.

    Le bruit de la rue le déprima. Il remonta le col de son blouson. L’image de l’inconnue restait en filigrane, sur ses rétines.

    Soudain, il sentit qu'une main lui saisissait doucement le bras.

    • Venez.

    Il la suivit. A la réception du petit hôtel voisin, le patron leur donna la clé avec juste un soupçon de reproche dans le regard puis retourna composer son tiercé.

    Ils entrèrent dans une chambre d’une banalité navrante, mais sans le remarquer Il s’assit sur le lit et attendit il ne savait trop quoi. Elle retira son tailleur et le rejoignit. Il sentait sa présence, un discret parfum, une enveloppe de tiédeur. Il éprouva le besoin de la toucher. Il posa sa tête sur les cuisses de la femme. Le contact de sa chair nue avait quelque chose de rassurant. Elle lui toucha les cheveux d'un geste machinal. Il ferma les yeux. Un bien-être surprenant l’envahit. Elle le caressa doucement et s’exprima à voix basse comme un murmure Elle lui dit son enfance, lui parla de son père, elle évoqua la verte campagne, mais il ne l’entendait pas, submergé de sensations contradictoires. Quelque chose se réveilla en lui. Il eut du mal à se reconnaître. Une heure auparavant, il n’imaginait même pas l'existence de cette femme et à présent, il sentait monter en lui le désir. Qu’avait-elle de différent ? Il la regarda pour la première fois comme une partenaire désirable. Il consentit à cette brèche dans sa cuirasse. Il devina d'anciennes douleurs dans les rides de son visage et dans ses yeux si clairs. Sa main, légère sur sa chevelure, trahissait d’imperceptibles frémissements. Doucement, ils s’allongèrent sur le lit et s'accouplèrent. Une onde électrique le  transperça. C'était comme une nouvelle naissance, un paradis d’émotions qu’il croyait oubliées. Elle se donna sans retenue, comblée par le plaisir, épanouie.

    Il avait retrouvé la paix, c'était comme un aboutissement. Il s’étira, les yeux fermés pour prolonger cette sensation. Elle se leva silencieusement, se revêtit, et le regarda une dernière fois avec douceur. Une photo glissa de son sac sur le lit.

    Dans un demi-sommeil, il ne l’entendit pas sortir. Quand il se réveilla la chambre était vide. Il prit conscience de la laideur du papier peint, des faux tableaux. Il eut soudain peur de retrouver les poubelles pleines, débordantes et cette affiche de cirque en lambeaux. Il venait de vivre la plus belle heure de ses quatre dernières années. Des années de solitudes après la perte de Blanche. Il ramassa la photo et sortit. Les deux jours suivants, il se força à penser à sa vie, à son travail, à tout sauf à elle. Le troisième jour, il entra au café et montra le cliché au patron, celui-ci y prêta à peine attention.

    • Connais pas.
    • Attendez !

    Le patron reprit la photo et la regarda attentivement.

    • Ah Oui, je me souviens. C'était une gentille fille. Elle venait de temps en temps. Je crois qu’elle est morte il y a quatre ans déjà.






    Seconde métamorphose

    16/03/2011 16:27

    Seconde métamorphose


    Seconde métamorphose

     

    Le jour se lève. Je vois du gris. Gris les murs de béton, gris les angles droits et le triste dallage du sol. Comme chaque matin, mes articulations sont grippées. Mon corps est froid de la nuit. Ma respiration siffle au travers des mandibules. J’ai toujours beaucoup de mal à revenir à la réalité. Tout ce gris me laisse en permanence un sentiment d’existence interrompue, comme une parenthèse interminable au milieu d’une histoire subie. J’ai à peine conscience de mon être physique. Je porte un regard intérieur sur cette enveloppe qui m’abrite. Je fais quelques pas sur le sol, juste pour faire fonctionner mes trois paires de pattes. Progressivement, mon corps se remet au rythme lent et saccadé de ma vie. Les élytres sont encore insensibles, comme soudées sur mon dos mais je sais que bientôt, toute cette chape cornée va s’articuler.

     

    J’avance le long du mur, le mur le plus long. Je le connais, il précède et suit les deux murs les plus courts. Puis, c’est de nouveau un mur long et ainsi de suite, mur long, mur court. Je tourne dans une cellule grise et muette. Si je porte mon regard sur le plafond, je vois les murs se perdre dans un crépuscule confus. Je ressens à peine le fait que rien ici n’est à ma taille. Je suis à présent éveillé. Le besoin de nourriture se fait sentir comme à chaque éveil. Je sais qu’au centre de la cellule, un tas de débris organiques m’attend à côté d’une mare d’eau. Je n’éprouve aucun plaisir à manger, ni plaisir, ni aversion. Je nourris mon corps, c’est tout. Rien ne me permet de connaître le mince et dérisoire déroulement de mon existence. J’ai tout juste le souvenir du jour passé. Se nourrir, marcher, dormir. Il m’arrive de monter sur le mur le moins sombre pour espérer découvrir je ne sais quel espace qui ne soit pas lisse et gris mais l’obscurité m’effraye. Mes sensations restent purement visuelles. Je devine plus que je ne ressens le changement qui me fouette le sang entre le chaud et le froid. Inconsciemment, il me faut définir le temps consacré à la marche et celui réservé au sommeil, entre les absorptions de nourriture. De ce fait, la notion même de temps m’est abstraite.

     

    Pourtant, je crois pouvoir me considérer comme un être pensant. Il m’arrive de passer de longs moments à méditer sur le fait même de ma présence dans la cellule. Durant ces périodes, la plus petite dérive de ma pensée vers un embryon d’explication me panique. Tout doucement, je me trouve tiraillé entre le coconnage présent et un étrange et effrayant besoin de changement. J’ai l’éternelle sensation d’être pris en compte par je ne sais quelle fatalité, protégé de tout ce que je ne puis voir ou imaginer. Se nourrir, marcher, dormir. Le stock de nourriture se renouvelle pendant ma période de sommeil aussi, j’ignore d’où proviennent ces déchets. Ça ressemble réellement à des déchets, morceaux de mouches mortes, rognures de cuir ou de peau. Je ne me suis pour ainsi dire jamais posé de question bien que j’ignore qui je suis et à quoi peut bien servir un être comme moi dans cet environnement. A force de marcher, mes pattes commencent à s’ankyloser. C’est généralement le signe de l’approche de ma période de sommeil. Je vais me rétracter, former ma boule protectrice malgré l’absence total de danger.

     

    Pendant ce sommeil, il m’arrive parfois de percevoir des images floues et colorées. Des formes vives et mobiles. Ces formes s’impriment sur mon subconscient comme de bizarres réminiscences. J’en viens à ressentir une sorte de confort moral lors de mon sommeil. Un nouveau réveil, un nouveau cycle. Je n’ai pas encore parlé d’eux. Je ne les ai jamais vu ni entendu mais je sais qu’ils sont là, qu’ils me connaissent et m’observent. Je sens leur présence permanente. Je perçois leurs vibrations par mes antennes. Je devine leur intérêt. Cette assiduité représente-elle un bien ou un mal, je ne saurais le dire. Le fait est que je me suis habitué.

     

    Rien ne transpire dans la cellule. Le temps est immuable. Le passage à l’état de veille a quelque chose de différent. J’ai l’impression d’acquérir une certaine souplesse, de me mouvoir avec un rien de liberté supplémentaire. J’accomplis mon premier tour de cellule et, de retour à mon point de départ, je découvre un petit tas de poudre brune, ce qui reste de mes élytres. Mes ailes diaphanes sont à l’air libre. Je n’ai jamais imaginé savoir voler aussi mes ailes sont toujours restées immobiles. Mon corps, plus léger, me procure une sensation plaisante. Je pourrais marcher plus vite, avec plus d’agilité mais il m’est agréable de me mouvoir lentement afin de profiter pleinement de cette perception nouvelle. Tout à mon plaisir, je ne suis pas encore pleinement conscient de l’importance que revêt cette modification de mon corps. Je me suis permis d’élever la limite de mes expéditions dans la zone sombre du haut de la cellule grâce à la perte de poids. J’y ai découvert un œil rond et fixe, froid et luisant.

     

    Que d’événements étranges depuis ce dernier réveil ! Quelque chose est entrain de se passer. Dans mes rêves également, les formes se colorent mais restent floues, comme derrière une membrane souple, opaque et résistante qu’elles cherchent à percer. Moi, je suis immobile, assistant à leurs efforts, présent et absent à la foi. Le retour à la conscience me réserve une autre surprise. Ma paire de pattes médianes gît sur le sol, détachée de mon corps comme deux brindilles de bois. C’est un choc ! Cette régression me laisse dans un état de grande agitation intérieure. Mes autres membres ont beau se développer, je n’ai plus assez d’adhérence et ne peux plus m’élever sur les murs. Je suis condamné à me déplacer sur deux dimensions. Et cette couleur pâle qui couvre mon abdomen ! Je ne sais plus que penser. Je ne ressens aucune souffrance mais la position de rétractation propice au sommeil ne me sécurise plus. Je suis nu et mes anneaux cornés s’assouplissent.

     

    A chaque nouveau réveil, la cellule semble rétrécir. En fait, c’est mon corps qui s’allonge. Mes membres se gonflent et se couvrent d’une enveloppe claire, solide et souple. Je me demande s’ils se rendent compte de ce qui se passe ici. Je sais à présent que l’œil m’observe. Les questions se bousculent dans mon esprit. Bon sang qu’est-il entrain de m’arriver ? Je deviens une ‘chose’ que je ne peux expliquer. La nourriture m’attire de moins en moins. Quelque fois, mon estomac la rejette avec dégoût. J’ai refais des tentatives pour grimper aux parois grises mais elles sont vouées à l’échec. Je reste dressé sur mes pattes arrière, totalement découragé. Les périodes de sommeil se suivent avec la régularité la plus banale mais elles couvrent systématiquement la métamorphose de ce corps que j’ai de plus en plus de mal à reconnaître.

     

    Au centre de la cellule, un récipient rempli de liquide chaud et odorant a remplacé les déchets de nourriture. Je découvre également une structure plate et souple recouverte de tissus chaud et épais. Je me suis aperçu que ce confort palliait à la perte de ma carapace. Je peux à présent me déplacer facilement en utilisant uniquement mes membres inférieurs mais suite à une modification de mes yeux, mon champ de vision s’est rétréci. Il m’arrive souvent de m’interroger sur mes rêves avant de m’endormir. Je suis de plus en plus persuadé que ceux-ci ont un rapport étroit avec mon existence. Ce mystère me pèse. Je regarde mon corps. Il a atteint une sorte d’aboutissement. Mes membres inférieurs et supérieurs sont différents mais ils respectent, comme le reste de mon corps, une réelle harmonie esthétique.

     

    Mes déplacements de bipède sont souples et rapides. De nouveau, je suis devant l’écran brumeux de mes songes. Les formes, de plus en plus distinctes, progressent et se matérialisent imperceptiblement. Elles écartent les rideaux de mes doutes et se dévoilent alors dans leur intégralité. Un visage souriant, des yeux clairs, si clairs. Comment ai-je pu l’effacer. Comment ai-je pu me soustraire à sa chaleur. Deux yeux clairs, un sourire, des mains tendues, un sourire.  Son nom, son nom, Maria…..

     Maria !!   Maria !!

    **

    -      Professeur Kunz, il est réveillé.

    -      Enfin, enfin. Des années de patience pour arriver à cet instant. Vite, allons l’accueillir et prévenez le commissaire politique.

    -      Il y a quelque chose d’étrange professeur. La chambre est fermée hermétiquement mais j’ai découverts sous le lit, un gros coléoptère du genre polyphaga dynaste. Je l’ai conservé dans une verrine si vous désirez l’observer.   

     

     

     

     






    CARMILLA OU L'ORCHIDEE NOIRE

    09/11/2010 18:09

    CARMILLA OU L'ORCHIDEE NOIRE


    Carmilla ou l’orchidée noire

     

     

     

             Quant elle vit entrer le jeune homme, Carmilla apprécia la finesse des traits du visage et, fruit de l’expérience, devina tout de suite le potentiel de vitalité. Elle sut presque instantanément que « ce serait lui et pas un autre ».

     

             La brasserie de L’Excelsior avait conservé le lustre des années folles, entretenu religieusement par son propriétaire. Frederik s’installa sur la banquette en molesquine. Il avait fui pour quelques heures l’ambiance des cybercafés avec leur faune de mutants au téléphone mobile greffé à l’oreille. Il goûta le calme d’une fin d’après midi dans le confort feutré de la grande salle aux miroirs. L’esprit occupé par je ne sais quel rêve, il posa ses yeux inconsciemment sur la silhouette féminine qui occupait la table perpendiculaire à la sienne.

     

    La jeune femme, vêtue d’un ample et long manteau resserré à la taille faisait songer aux élégantes des années cinquante. L’image de profil exprimait une élégance naturelle, une douceur accentuée par  l’ombre dentelée d’une suspension qui dessinait sur le visage une voilette vaporeuse. Le temps d’une seconde, l’inconnue tourna vers lui un regard naïf, un regard d’enfant, illuminé par un demi-sourire. Que de choses transitaient par ce regard, que d’émotion suggérée. Il lui disait « je suis là, j’existe ». Frederik se leva pour aborder l’inconnue mais, à peine debout, il regrettait déjà cet élan spontané, lui qui ne pratiquait jamais ce sport d’adolescent qui consiste à provoquer un intérêt artificiel pour charmer la gente féminine. Il se planta devant la table de la femme.

     

    - Puis je vous offrir un café ou un rafraîchissement ?

     

    - Je vous remercie, je ne bois pas de café mais si vous ne craignez pas de perturber votre quotidien, je peux vous proposer un excellent thé de chine à quelques pas d’ici.

     

    Sans attendre la réponse, l’inconnue se leva et se dirigea vers la sortie. Frederik la suivie. Sans un mot, ils remontèrent la grande avenue, insensible à la circulation de fin d’après midi. Le garçon se sentait bien, la présence de l’inconnue à ses cotés le plongeait dans une sorte de paix intérieure. Il admira son allure, la souplesse de sa démarche. Un mot lui vint à l’esprit ‘séduction’. Elle avançait sans préoccupation, sûre de son charme, sûre d’avoir capté toute l’attention du jeune homme.

     

    Au cœur d’un parc privé, la grande maison symbolisait à elle seule l’ « art nouveau » apparu au début du siècle précèdent. Ils franchirent la monumentale porte d’entrée et gravirent l’escalier de pierre aux boiseries travaillées, témoignage du génie des artistes disparus. Au seuil de la chambre, Frederik avait déjà oublié le thé de chine. La pièce semblait détachée du monde extérieur. Pas un bruit, tout n’était qu’harmonie et confort d’autrefois. Mais elle respirait la vie.

     

    La femme avec lenteur, enleva son manteau et s’approcha de Frederik. Une robe longue et noire sublimait la perfection de la silhouette. Avec des gestes doux, elle entreprit de déshabiller le jeune homme. Aucun mouvement brusque ne venait troubler la magie de l’instant. Frederik se laissait envelopper par ce rêve éveillé. Il accepta la nudité comme la plus simple des logiques. Il s’allongea de lui-même sur le lit à baldaquin, puis il regarda Carmilla se dévêtir. La robe noire glissa sur le sol, dévoilant des dessous arachnéens noirs également qui valorisaient les formes plus qu’ils ne les cachaient. Les plus habiles sculpteurs de la Grèce antique se seraient agenouillés devant la perfection de ce corps dans la grâce de sa nudité. Carmilla s’approcha du jeune homme, rayonnante de chair nacrée ferme et douce.

     

    Là, elle commença à tracer sur le jeune corps viril, à petit coup de baisers papillons, la plus troublante des cartes du tendre. Sa bouche escaladait les jambes, les cuisses et s’arrêta sur le membre pour le hisser au plus haut sommet du désir. Puis elle remonta lentement vers le torse, s’ouvrant complètement, les jambes de part et d’autre. Frederik ressentait toute l’intensité de la montée du désir dans une immobilité totale. Cet épiderme de douceur et de feu progressait en reptation vers la tête entraînant avec lui toute la fureur qui précède le cataclysme des amours physiques. Puis Frederik vit se dessiner sur son visage la toison pubienne soyeuse, noire et parfumée du musc mystérieux et pénétrant de l’orient, que surmontait le ventre aux tendres rondeurs et la plus phantasmatique des poitrines défiant les lois de la gravitation. Les lèvres de la vulve se collèrent sur son cou, entraînant l’homme dans des abîmes de sensation. La tension devint insupportable, Frederik éjacula au moment où quatre dents effilées comme des rasoirs lui perforaient la carotide. Le sang sous pression gicla dans le temple de volupté de sa cavalière. Carmilla, la tête rejetée en arrière, les yeux fermés, absorba jusqu’à la dernière goutte de l’élixir de vie. Elle venait de gagner une année de jeunesse supplémentaire.

     

    A l’instant où Frederik quitta le monde des vivants, l’orchidée noire se rhabilla calmement et quitta la pièce sans un regard en arrière. Elle savait qu’il lui faudrait repartir en chasse tôt ou tard.

     

     

     






    LE DERNIER VOL FIN

    28/03/2010 06:43

    LE DERNIER VOL FIN


    pour toi lecteur la fin de cette terrible histoire

    Draïn

     

    Depuis le départ de Vallys, le village vivait au ralentit, baigné dans une léthargie peuplé d’incertitude. Tous ressentaient la crainte des anciens mais rares étaient ceux qui savaient. Le conseil, avait écouté et suivi l’avis de Draïn. Il fallait garder le plus grand secret sur l’origine du mal endémique qui menaçait la vie de tous. Bien sur, chacun vaquait à sa tâche. Bragam rejoignit les pécheurs sur le grand fleuve. La saison n’était pas terminée. Le conseil entier attendait des nouvelles de Vallys jour après jour, semaine après semaine. Mais c’est Nira qui souffrait le plus de la situation. De caractère intuitif et passionné, elle était perpétuellement déchirée entre le drame de la séparation, le quasi isolement de son enfant et le souvenir de la nuit magique qu’elle avait vécu. L’absence de Bragam en était d’autant plus lourde. La jeune femme, les yeux remplis de larmes, passait des heures à regarder par la fenêtre de la hutte ou l’enfant reposait. Malgré la force de l’instinct maternelle qui la poussait à entrer et prendre son fils dans ses bras, elle ne possédait pas se supplément de courage qui lui aurait permit de transgresser les ordres formels du conseil. Puis un jour, un événement étonnant se produit. Le crépuscule habillait le village et les collines de violet et de pourpre. Draïn goûtait l’air du soir  devant la hutte. Le calme et le silence figeaient l’heure. Le vieil  homme, tout à sa méditation, ne ressentit pas tout de suite l’impression de chaleur. Petit à petit, l’air devenue plus concentré, se mit à vibrer en ondes larges et lentes. Les bruits habituels, témoignage de la vie du village, ne lui parvenait qu’au travers d’un filtre ouaté. Alors, il entendit distinctement la voix de Vallys mais cette voix lui parvenait de l’intérieur de son cerveau, lointaine, cristalline. Il ne put retenir chaque mot du message mais il sut reconnaître leur importance. Vallys voulait lui faire savoir qu’il était toujours vivant et actif. Qu’il avait découvert un certain nombre d’éléments susceptibles de lever le voile sur l’énigme qui paralysait la vie du clan. Mais il comprit également que Vallys se trouvait en difficulté et dans l’impossibilité de quitter un endroit sombre et lointain. Puis le contact se rompit et tout redevint simple et banal. Draïn, abasourdi par le phénomène, mit un certain temps pour prendre la mesure de la situation. Il pouvait jurer qu’il avait reconnu la voix de Vallys mais était ce réellement Vallys qui lui parlait ? Et par quel mystère, quel étrange pouvoir il serait parvenu à entrer en contact avec lui. Malgré son penchant naturel pour le doute, il se sentait de plus en plus persuadé que Vallys avait découvert un moyeu de communication. Il décida de prendre cette explication au sérieux. Il fallait à présent informer le conseil le plus tôt possible.

    Dans la hutte commune, le conseil rassemblé au grand complet entendit longuement le récit de Draïn. Les palabres durèrent une bonne moitié de nuit mais une décision fut prise. On irait rechercher Vallys. On rassemblera une quinzaine des meilleurs chasseurs du clan auquel on joignit autant de femmes. Les bâtons de puissance qui reposaient depuis des siècles au sanctuaire de la colline furent ressortis. Personne n’avait jamais vu les mythiques bâtons. Au moment de s’en saisir, tous furent impressionnés par la magie et la puissance de ces armes. Certes, ils en connaissaient l’existence au travers des légendes, des chants rituels mais s’était la première fois qu’ils les détenaient dans leurs propres mains et étaient sensés s’en servir. On se chargea d’un mois de vivres et la colonne se mit rapidement en marche.

    Dans le village, le départ des hommes fut ressenti comme la fin d’une période de paix. Rien n’allait plus. Les gestes de la vie quotidienne n’avaient plus aucun sens. On remplaça Draïn par un vieillard à la garde de l’enfant. Mais la discipline se relâchait. Ainsi, Nira réussie-elle à pénétrer dans la hutte en attendrissant le gardien. Débordante d’amour, Nira put enfin serrer son fils dans ses bras. Elle prit vite l’habitude de ces retrouvailles et passait quotidiennement de longues heures en sa compagnie, goûtant enfin ce bonheur tant désirer.

     

    *

     

    Krho, en vieux pisteur, sut reconnaître et interpréter les imperceptibles signes qu’avait laissé Vallys tout au long de la piste. La colonne avançait vite. Draïn savait que sur la première partie du voyage, ils ne rencontreraient aucune difficulté particulière mais au-delà des terres connues, le contact avec les démons serait inévitable. Il leur faudrait affronter les monstres et défendre chèrement leur peau. Tant de questions restaient en suspens. Les hommes et les femmes peu habitués aux combats trouveront ils le courage d’affronter l’adversaire? Les bâtons de puissance seront-ils aussi efficaces que le prétendait la légende? Où se trouvait Vallys exactement? Toutes ces interrogations taraudaient le vieil homme mais il ne pouvait par se permettre de laisser transpirer ses inquiétudes. Rien de devait entamer la ferme résolution qui guidait la colonne depuis le départ. Cette course vers l’inconnu s’avérait suffisamment éprouvante.

    Les gents des Gordorohts atteignirent l’orée de la forêt du Proho Sakaal après trois semaines de marche laborieuses. Petit à petit, l’étrange atmosphère du pays de Tyhres ralentit leur progression en érodant le courage et la volonté des plus sensibles. Seul, l’opiniâtreté  de Draïn leur permis de continuer la route vers l’inconnu.

    Le choc eut lieu en traversant une petite clairière juste avant la rivière sans nom. Le gros de la troupe, resté à couvert, observait la progression prudente des deux éclaireurs. Venant de nulle part, deux jiinns fondirent sur les hommes. Les puissants rostres, véritables outils de guerre, coupèrent littéralement leurs victimes en deux rejetant les corps baignés de sang sur les rochers. Dans les rangs de la horde, un vent de terreur fit reculer les hommes. Tous regardaient le ciel où tournoyaient douze jiinns, glissant lentement sur leurs ailes immenses, prêt à poursuivre l’œuvre de destruction qui était commencé.

    Draïn prit la parole « Mes amis voici venu l’heure du combat. Nous allons affronter ces démons comme l’ont fait nos ancêtres par le passé. Nous allons leur montrer que la race de Gordoroht n’est pas faite de lâches. Nous avons reçu les bâtons de puissance en héritage, c’est le moment de les faire parler. En avant peuple de Proïha et que les dieux renforcent vos bras et vos cœurs ! »

    Les hommes se ruèrent dans la clairière, galvanisés par les harangues de Draïn et les hurlements de guerre de Krho. Ils firent cercle au centre et mirent en action les bâtons de puissance. Les jiinns tournèrent encore quelques secondes dans les airs puis piquèrent en escadrille sur le groupe. Les premières langues de flamme bleue ratèrent leur cible par manque d’expérience mais très rapidement, le tir se fit plus précis. Dans un bruit de déchirement, un démon touché à l’aile fut déséquilibré et perdant de l’altitude, fini son vol en vrille et s’écrasa sur la  première rangée d’arbres. Les femmes, restées à l’abri de la forêt, l’achevèrent à coup de pieux. L’affrontement fut d’une rare violence. Les démons utilisèrent la voix pour terroriser l’adversaire. A chaque assaut venu du ciel, un long cri strident perçait les esprits tel des lames d’acier acérées et glaçait le sang. Couché sur le dos, la jambe ensanglantée, Lirrio s’occupa des deux démons qui, resté au dessus de la clairière, surveillaient la bataille et traquaient les isolés qui représentaient des proies plus faciles à abattre. Le tir, d’une précision implacable neutralisa les grands jiinns. Des monstrueuses carcasses disloquées sur les rochers coulait un liquide épais et jaunâtre à l’odeur pestilentielle. Des bourrasques de vent laminaient la zone du combat, rendant plus difficile les assauts répétés des démons. Les hommes défendaient leur position avec rage mais les blessés, de plus en plus nombreux affaiblissaient leurs rangs. Le soir approchait et avec lui, l’incertitude de la victoire. Draïn rassembla trois de ses compagnons encore valides pour se concentrer sur chaque jiinns individuellement et l’un après l’autre. La tactique se montra payante. Les grandes chauves souris, touchées par trois éclairs bleus en même temps s’écrasaient au sol pour le compte. Après deux heures de combat intense, la horde qui avait subit de lourde perte, regarda s’enfuir les deux derniers démons rescapés de la bataille. Alors, un calme de mort recouvrit la grande forêt. Les combattants, épuisés, s’écroulèrent à même le sol. Ils ne parvenaient pas à réaliser qu’ils avaient vaincu les grands démons. Ils fixèrent longtemps le ciel bien après la nuit noire.

     

    **

    Vallys, allongé sur le sol de la cuvette se remémorait le message qu’il avait tenté de faire parvenir à Draïn au travers de l’esprit de Kraal. Draïn avait il reçu le message ? Avait il pris la bonne décision au sujet de l’enfant ? Rien n’était moins sûr. Il se passait quelque chose. Depuis deux jours, il ne recevait aucune visite dans la cuvette prison. Les cavernes semblaient vides de leurs habitants. Aucun mouvement. Il décida d’attendre encore une journée et de tenter enfin une sortie. Rien ne le retenait plus ici sinon sa condition de prisonnier. Il se sentait assez fort pour tromper son gardien, habitué à son apparente inertie. Il rechercha un sommeil réparateur en attendant de mettre en œuvre son dangereux projet.

    Karabakh Kha, au retour des rescapés de la bataille, sut que la situation était critique. Les maîtres des aires, de retour au djïorm s’écroulèrent sur le sol, le corps couvert de brûlures diverses et le sentiment de puissance total largement entamé. A présent, le grand jiinns savait que les hommes encouragés par cette victoire ne s’arrêteraient par là. Il savait également que la marche du destin avait changé de direction. Que les gents de Proïha, héritiers de leurs lointains ancêtres, s’étaient hissés à la hauteur des grands peuples en surmontant leur peur. Bien sur, il y aurait d’autres batailles. Peut être les jiinns en remporteraient quelques unes mais la roue du destin tournait, inéluctable. Karabakh Kha convoqua horro. Il restait un espoir de réussir l’œuvre de survie.

    « Depuis très longtemps, tu fournis notre race en nourriture fraîche. Je ne t’ai jamais posé de question sur l’origine des humains qui nous nourrissent. D’où viennent-ils et par quels moyens ? »

    « Maître il existe sur la côte nord de notre territoire une petite crique au centre des havres pourpres. Il y à bien longtemps de cela, une grande nef venue d’un monde de l’autre côté de l’océan y mouilla pour déposer un groupe d’humains. Le maître de la nef les abandonna et reprit la mer. Ce fut notre premier ravitaillement venu d’ailleurs. Les hommes de la vallée ayant presque totalement disparu. Par la suite, j’ai passé un marché avec Pophryte, le maître de la nef. Il nous ravitaillerait régulièrement en échange, je lui ai garantie la sécurité sur notre territoire ainsi que le droit de se procurer de l’eau douce. »

    « Je soupçonnais cette situation mais loin de moi l’idée de te blâmer, ton pourvoyeur nous rend bien service et je croie qu’il peu encore nous être très utile. Nous venons d’essuyer une grande défaite. Il est temps d’en tirer les conséquences. Le conseil des douze est presque entièrement décimé mais nous tiendrons conseil malgré tout. Dés cet instant, tu rejoins le conseil, tu en a le mérite. Nous avons de grandes décisions à prendre. »

    La grande salle souterraine abritait les douze stèles disposées en demi cercle et l’éperon central, symbole de la puissance du maître. Seules, quatre stèles étaient occupées par les deux rescapés de la bataille ainsi que deux jiinns élevés au rang de membres du conseil dans l’urgence. Ce fut un conseil de guerre. Les grands démons palabrèrent plus de trois heures. Ils firent le point de la situation. Préparèrent la contre attaque qui devait stopper l’avance de leur ennemis et surtout prirent une décision exceptionnelle. L’enfant n’était plus en sécurité au village des hommes. Il fut décidé qu’il quitterait le territoire sur la nef des étrangers. Un pacte serra signé avec Pophryte pour garantir sa survie. Yoth Sothot se chargera de cette mission vitale.

     De retour dans sa caverne, Karabakh Kha ressenti tout le poids des événements. Il savait qu’à terme, les hommes auraient le dernier mot. La puissance des jiinns reposait sur la terreur légendaire qu’ils inspiraient mais ce peuple avait su surmonter deux millénaires de croyance aveugle. Les jiinns vivraient bientôt leurs dernières heures. O ! bien sur il devait garder sa prophétie secrète. Il était le maître, le timonier qui les dominait tous dans la vallée de Tyhres et il en serra toujours ainsi.

    **

     

    Nira fuyait, l’enfant dans les bras. Elle avait réussie. Réussie à convaincre le vieux Tallus, réussie à l’attendrir, usant de toute sa fibre maternelle pour l’émouvoir. Et puis le vieux Tallus n’était plus en état d’autorité, il avait cédé. A présent, Nira fuyait, la peur au ventre. Elle était incapable de dire où. Elle avait prise d’instinct la route du nord sachant que le groupe était parti vers l’est. Et puis voilà trop longtemps que les hommes décidaient, non, lui imposait ce qu’elle devait faire ou ne pas faire. Que pouvaient ils comprendre les hommes du déchirement cruel de la séparation d’une mère et de son enfant. Les hommes et leurs secrets comprenaient ils seulement qu’elle ne supporterait plus jamais d’être étouffée au milieu des siens. Les siens, pouvait elle encore les reconnaître comme les siens après ce qu’il s’était passé au village ? A présent elle marchait sous la lune bleue qui donnait au paysage aride, des allures de mauvais rêves. Elle eu une pensée, alors qu’elle marchait sur une esplanade de roches plates pareille à une chaussée encadrée de murailles. ‘La chaussée des géants’. Noyée dans un silence de mort, le son de ses pas lui glaçait le sang. Il fallait avancer et encore avancer. Depuis combien de temps progressait elle sur la chaussée ? Elle ne savait pas mais ce qu’elle devinait c’est qu’il fallait quitter ce sinistre découvert au plus vite. Elle pris soudain conscience de la folie de sa fuite. Qu’allait il leur arriver ? Qu’allait il arriver à l’enfant ? Où le mettre en sécurité ? Elle ne savait pas ce qu’elle faisait mais elle avait décidé de fuir et elle fuyait. Et puis pourquoi Vallys avait il quitter le village six mois plus tôt ? Pourquoi les hommes et les femmes du groupe l’avaient ils suivi ? Ils considéraient tous son enfant comme un danger. Son enfant aux grands yeux noirs qui se lovait contre son sein, loin de la méchanceté des siens. Ils étaient tous devenus fous. Bragam lui avait dit un jour qu’au nord, au-delà du défilé de Lynch, il y avait la fin des terres et le grand et mystérieux océan où se jetait le fleuve. Bragam connaissait les havres pourpres. La bas, loin du monde elle trouverait de quoi se cacher de la fureur des hommes. Tel fut son credo sur le chemin qui la menait au défilé de Lynch.

     

    **

     

    Devant le maître de la vallée, Vallys vit immédiatement le changement dans le regard de Karabakh Kha. Changement qu’il ressentit également dans son discours.

    « Voilà à présent six lunes que tu est parmi nous Vallys fils de Tryam. Tu est doué d’une intelligence affûtée aussi as tu parfaitement compris le but de notre quête. Tu sais l’importance que représente l’enfant pour l’avenir de notre race. De mon côté, je croie pouvoir définir le sens exact de ton voyage. Bien sur, l’énigme de l’enfant motive ta venue dans la vallée de Tyhres mais permets moi de penser qu’au plus profond de toi, la raison de ton voyage est toute autre. Tu as de l’ambition. La puissance et les connaissances qui te manquent, tu es venu les chercher auprès de notre race. Si tu analyses bien la situation, tu te rendras vite compte que cet enfant représente à la foi l’avenir des jiinns mais également une formidable avancée dans l’évolution des connaissances humaines. Cette enfant est la réponse la plus complète à toutes les questions qui taraude ta curiosité. Les hommes de ton clan approchent. Je te propose un marché. La vie de l’enfant contre la tienne et le droit de rentrer sain et sauf pour les tiens. »

    Vallys prit le temps de la réflexion avant de formuler sa réponse. Au contact des démons, il avait comprit comment domestiquer et utiliser à son profit les esprits les plus forts, il avait déjà trouvé tout ce qu’il était en droit d’apprendre, tout ce qu’il espérait découvrir, ce qui représentait ses rêves les plus fous avant son départ.

    « Les hommes de Gordoroht sont fières et courageux, s’ils ont donnés ces qualités à l’enfant de Nira, les jiinns ne lui ont apportés que le goût du meurtre et de la cruauté. Je ne permettrai jamais de laisser un tel fléau corrompre notre race serais-ce au prix de ma vie. »

    « Dommage humain, j’ai un certain respect pour ton courage mais tu n’a pas compris. A partir de maintenant, tes jours son comptés. Nous n’avons plus rien à nous dire. »

    Vallys lut une impression de grande fatigue dans le regard de  Karabakh Kha. La réalité s’échappait comme au terme de chaque entretien avec le maître de la vallée. Mais à cet instant, Vallys sut que s’il devait tenter quelque chose, c’était à cette minute précise. Il rassembla dans son esprit tout ce qu’il avait accumulé de volonté depuis des mois et fort de sa décision plongea son regard dans les deux puits d’or. Depuis longtemps, il espérait et redoutait cet instant. Au début, il eu l’impression de se heurter à une muraille infranchissable. Il se trouvait fourmi minuscule dans un maelström d’ambre liquide. Puis le rideau s’entrouvrit. Au fond d’un esprit tout puissant, une vague d’étonnement fut vite remplacée par une onde de rage à l’état pure. La douleur pareille aux rouleaux d’une mer déchaînée lui frappait le cerveau, ressac effritant sa volonté. L’affrontement s’avérait mille fois plus violent que tout ce qu’il avait imaginé. La caverne avait disparue. Il n’existait que ce brouillard lumineux d’or en fusion qui le consumait de l’intérieur. Puis la voix profonde à l’unisson de la douleur. « Pauvre insecte, qu’espères tu ? Tu n’existes déjà plus. » Vallys décrochait petit à petit. Il glissait de plus en plus rapidement sur une pente vertigineuse vers un néant qui le réduisait à l’état primaire. Au centre de ce cauchemar, des visages le fixaient. Les yeux connus, des bouches semblaient lui hurler des paroles qu’il ne cherchait même pas à entendre. Draïn, le visage de Draïn et dans le tourbillon, les autres de la tribu mais que voulaient ils lui dire ?

    « Accroches toi, tu ne dois pas chuter, résiste, résiste, résiste…… »

    La horde, de l’aide, il n’était pas seul. Il vit de nouveau les prunelles sombres dans les orbites d’or mais la force revenait doucement. Alors, il hurla sa rage et perfora la force antagoniste. Le mur se fendit. L’animal reculait. Son esprit perdait irrémédiablement de son emprise. Vallys maintint sa pression les yeux rivés dans ceux du démon malgré la douleur. Il fit passer dans l’intensité de ce regard, tout ce qu’il était capable de cumuler de rage, de désir de destruction. Dans les yeux du grand jiinns, la colère violente fit place petit à petit au désespoir puis à la soumission jusqu'à l’extinction de toutes lueurs de vie. Le grand corps roula sur le côté, inerte. Vallys prit le temps de savourer sa puissance nouvelle.  

     

    ***

     

    Un air salin balayait le visage de Nira. Devant elle le grand océan étalait sa splendeur à l’infini. Jamais le couché du soleil n’avait été plus solennel dans son calme nacré, pailletant la mer de diamants et d’opales. A quelques encablures de la côte, la nef aux voiles noires, majestueuse, semblait endormie. Sur la droite, un groupe d’hommes assis, terrorisés, n’espérait plus rien de l’existence. Nira se dirigea vers la chaloupe échouée. Pophryte et ses hommes la regardait approcher. « Emmenez moi avec vous, je vous en supplie. » Nira était à bout de force.

    Pophryte lui soutint le bras et l’installa dans la chaloupe. « Mais nous sommes là pour toi Femme de Proïha. Tu n’as plus rien à craindre. »

    Sur les hauteurs des falaises qui surplombaient les havres pourpres, Yoth Sothot regardait la nef s’éloigner à l’horizon. Les voiles sombres de la nuit océane emmenaient les voyageurs vers d’autres destins aux cris des grands oiseaux de mer. Il savait que le maître était mort mais l’enfant vivrait.

     

    ****

     

    Voici comment les choses se passèrent au pays oublié. Les grands démons ont disparu, victimes de l’érosion du temps. L’enfant, héritier de leur immortalité traversa d’autres époques, vécu d’innombrables histoires d’hommes pour devenir trois mille cinq cents ans après le premier capitaine des forces luttant contre l’invasion turque d’un pays qu’on appelait Transylvanie sous le nom de Vlad Dracul où sa cruauté laissa des traces indélébiles. Il fini sa fabuleuse existence lors d’un séjour en Angleterre sous les coups d’un certain Jonathan Harker. Mais ceci est une autre histoire.







    le dernier vol chapitre trois

    15/03/2010 16:48

    le dernier vol chapitre trois


    HEHEHE EEEEE  !!! la suite  !!!!!

    Vallys

     

    A la limite des terres sombres, Vallys, quittant les hautes vallées progressait dans un couloir naturel bordé d’escarpements rocheux. Les terres déjà explorées et connues se situaient plus à l’est mais il préféra ce chemin. Il avait une entière confiance dans son instinct de pisteur et avançait rapidement vers la grande forêt du Proho Sakaal. Malgré sa détermination, une quantité de questions se bousculaient dans sa tête. Qu’allait il trouvé dans cette forêt à la sinistre réputation ? Et au delà du Proho Sakaal?

    Plus il y pensait, plus il se rendait compte que sa mission était des plus hasardeuse. Quelque chose s’était introduite dans le village, quelque chose de malveillant. L’enfant de Nira était le produit d’une volonté. La volonté de nuire au village. Pourquoi ? Le récit de Draïn ne pouvait le conduire que vers La vallée de Tyhres. Toutes les antiques légendes, les récits des anciens parlaient du pays des démons. Les aïeux avaient recueilli aux temps jadis le témoignage des fugitifs de Tyhres. Tous parlaient de la race de Draal et de son pouvoir. Certain ignorèrent volontairement l’existence de la vallée sombre mais une partie des sages du village entretenait le souvenir. A présent, Un grave danger menaçait le village et peut être l’ensemble de la race des hommes. Devant l’inconnu, personne ne pouvait lutter. Draïn et lui avait longuement parlé, mesuré tous les risques. Ils étaient tombés d’accord, il fallait que Vallys se rende au cœur même du pays maudit, là où il pourrait découvrir les secrets des démons et revenir plus fort et plus armé contre la menace que représentait l’aberration.

    S’il ne rencontra aucune difficulté dans les terres connues, la seconde partie du voyage l’intriguait beaucoup plus. Dés l’approche des contreforts de la grande forêt, l’atmosphère devint lourde. Il ressenti autour de lui une impression mauvaise. Une sorte de volonté puissante dressée contre lui. Son avance devint de plus en plus difficile. La nature elle-même paressait hostile. Il progressait lentement, sans précipitation pour s’imprégner de l’environnement. Il s’était suffisamment préparé moralement pour ce voyage et était prêt à tout affronter mais avec perspicacité et détermination.

    Ca et là, les pistes se séparaient puis se recoupaient, formant un enchevêtrement complexe qui serpentait entre les rochers et les bosquets. Un souffle de vent frisait les rares herbes luttant avec les rochers pour la couverture d’un sol chaotique et inégal. Le paysage changeait rapidement et de grands murs rocailleux guidaient le voyageur vers on ne sait quel endroit toujours difficile à prévoir. La végétation recouvrait en partie les parois rocheuses. Le temps tournait à l’orage. La déchirure brutale des lourds nuages couleur de plomb fut précédée de puissants éclairs qui embrasèrent le fond du couloir naturel suivi par Vallys. C’est en cherchant un abri qu’il remarqua les premières cavités sur le flanc de la falaise. Une bonne dizaine de trous plus ou moins importants perforaient la pierre de leur gueules noir. Les plus bas se trouvaient à deux fois la hauteur d’un homme. Vallys, devant l’imminence de la pluie rechercha une cavité d’accès facile. Il escalada les quelques mètres et sur un rétablissement, pénétra dans l’orifice. La caverne semblait de bonne proportion. Elle aurait pu abriter une vingtaine d’hommes. Tout de suite, il remarqua le sol jonché d’herbe sèche si ancienne qu’elle tombait en poussière au moindre contact. Son esprit d’analyse se mit en marche. Cette grotte avait été habitée il y a sans doute fort longtemps. Habité ou pas, elle fera un excellent abri pour attendre la fin de l’orage et passer la nuit. Enroulé dans sa grande pelisse, il prit un peu de nourriture et vaincu par la fatigue se laissa gagné par le sommeil.

    Durant les deux jours suivant, il longea les mêmes falaises sur des chemins de plus en plus accidentés. Les cavités perforaient toujours les parois, de plus en plus nombreuses quelque fois de la taille des premières, quelque fois beaucoup plus vastes. Puis, petit à petit les murailles diminuèrent de taille pour se perdre dans le flanc même d’un sol en pente douce couvert de gros rochers et d’énormes et vieux arbres. C’est au centre d’une clairière que Vallys découvrit le premier autel de pierre. Une dalle plate en granit large de deux mètres sur un, reposant sur deux pains de sucre. Différents signes gravés ornaient la partie supérieure. Une rigole parcourait le tour du plateau de pierre dans sa totalité. A une des extrémités, au milieu de la rigole, la pierre était percée de part en part. Ce détail avait quelque chose de sinistre. L’homme pris son temps pour inspecter l’autel et les alentours du site. Derrière une haie d’arbres bas, dans une niche de rocher, il découvrit un amoncellement d’ossements humains blanchis par le temps. A présent il pouvait en être sûr, il se trouvait devant le premier autel de sacrifice du pays de Tyhres. Il devait en découvrir beaucoup d’autre. Quelque chose l’intriguait. L’ensemble du site semblait abandonné de longue date. Pas de trace de présence récente et vu l’état des ossements, les derniers sacrifices devait remonter à plusieurs années. Vallys quitta la clairière et se dirigea vers les frondaisons de la forêt primitive.

    Il avançait depuis plusieurs heures et l’impression d’hostilité devenait presque palpable. Il était de plus en plus sûr d’être surveillé, quelque chose ou quelqu’un savait sa présence dans la forêt mais se contentait de suivre sa progression sans aucune intervention. Le terrain devint plus accidenté. Il fallu contourné des tumulus et des troncs centenaires poussés presque à l’horizontal au grés des caprices de la nature. Un léger souffle frais balaya son visage. La forêt changeait. Devant lui, au pied d’une pente douce coulait la rivière de la forêt du Proho Sakaal, la rivière sans nom. Vallys resta de longues minutes à regarder les eaux caresser les berges herbues, se dédoublant pour cerner un rocher au milieu du courant et de nouveau se mêler dans une gerbe d’écume. Puis il comprit ce qui l’intriguait depuis son arrivé au bord de la rivière. Il pouvait entendre le murmure des feuilles qui filtraient le souffle du vent, le cri lointain d’oiseaux invisibles mais il ne percevait aucun bruit d’eau. La rivière coulait dans un étrange silence. Il eu l’impression d’être atteint de surdité mais une surdité qui ne toucherait que les sons provenant de l’eau. Le charme qui couvrait le pays Tyhres opérait.

    Il suivi la berge en amont à la recherche d’un éventuel gué. Quelque méandres plus loin, cinq ou six larges pierres plates lui permit de tenter la traversée. A quelques mètres de l’autre rive, il du pénétrer dans des eaux peu profondes. A chaque pas, l’eau semblait coller à ses jambes pour le retenir, l’empêcher de progresser. Encore un des enchantements du plateau sauvage. La rive est de la rivière perpétuait la grande forêt enclavée entre l’eau et des falaises peu escarpées. D’autres autels de sacrifice jalonnaient un semblant de chemin mais les pierres accusaient l’usure du temps. Il marchait depuis plusieurs heures lorsqu’il atteignit une vaste clairière au pied même d’une corniche abrupte. La clairière était entourée sur sa moitié par ce demi cercle de muraille entièrement percé de niches. Au centre un immense autel dominait douze monolithes de granit pur. L’autel de Kadvarra, il touchait au but. Dés l’instant ou il franchi la dernière ligne d’arbres, la sensation d’observation s’accentua. La pression devint écrasante. Il n’avait jamais autant ressenti l’imminence  du danger. Il fit un effort sur lui-même pour conserver un peu de calme et procéda à un examen lent et méthodique de la vaste zone dégagée. Il inspecta chaque pierre dressée, chaque recoin. C’est lorsqu’il tournait le dos à l’autel qu’il perçu la présence. Il se retourna lentement. Sur la grande table, les immenses ailes membraneuses déployées, le jiinns le fixait, immobile. Vallys marqua un temps d’arrêt, fasciné par l’apparition. Il n’avait rien entendu. Le grand démon semblait s’être matérialisé sur la pierre, statue fantastique aux yeux dorés. La bête était immense, l’extrémité des ailes reposant sur la pierre. Le corps tout en muscles, presque décharné qu’enveloppait une peau lisse couleur brouillard, supportait une tête longiligne aux mâchoires rectangulaires terminées par une excroissance cornue faite pour déchiqueter. Vallys ressentit instantanément la force du regard. Une chape d’autorité primitive annihilait toute volonté toute tentative d’initiative. Son champ visuel se rétrécit pour se résumer à deux yeux fascinants qui grandissaient et dévoraient l’espace. Leur éclat et leur lucidité soulevèrent en lui la nausée. Son esprit se vida de toute pensé. L’homme et l’animal face à face restèrent de longues minutes immobiles, l’un étudiant l’autre. Puis une voie calme au timbre grave résonna dans la tête Vallys.

     « Tu ressembles à la nourriture, tu as le fumet de la nourriture. »

     Là, le monstre fit une pose et scruta de nouveau l’humain.

    « Tu me poses un problème. Je ne peux me nourrir si je n’ai pas l’esprit clair. Que fais tu dans ce monde qui n’est pas le tien? Je te suis depuis ton entrée dans la vallée sombre. Malgré la peur qui te mord les chaires, tu avances de ton plein gré. Les humains de Tyhres ont disparu depuis bien longtemps. Ils étaient entravés par la peur et dociles comme du bétail. Je sens de la détermination au fond ton être. »

    « Si ceux de ma race craignent les grands démons, ils n’ont jamais baissé les yeux devant personne. Mon peuple est connu de vous depuis l’époque de Ghodroz. Les démons et les gents de Proïha se sont affrontés depuis la nuit des temps jusqu’au pacte de Gordoroht où ta race et la mienne ont décidées de


    respecter le territoire de l’autre. Il en est ainsi depuis des siècles mais quelque chose à changer. Une aberration est entré et vit dans mon village. Moi Vallys, fils de Tryam, je dit que les fils de Draal ont rompu le pacte des anciens. Je suis venu pour rencontrer le maître de Tyhres et le sommer de respecter un pacte qui nous a permis toi et moi de vivre sans crainte dans nos terres. »

    « Tu me surprends humain. Si ta force a les limites de ceux de ton espèce, ton orgueil est démesuré. Je peux t’anéantir d’un seul coup de griffe ou te faire endurer les feux de la douleur au gré de ma volonté. Mais je le répète, tu me poses un problème. D’une certaine manière, je vais accéder à ton désir. »

     Vallys, le corps toujours sans réaction vit le grand démon fondre sur lui. Un coup de rostre sur la tête lui fit perdre connaissance. Il se senti soulevé de terre puis ce fut le noir.

     

    ****

     

    La perception de la douleur fut le déclencheur de la prise de conscience de Vallys. Une onde de feu envahissait son subconscient puis ses membres réagirent. Les bras d’abord se détendirent sous l’impulsion de picotements insupportables qui disparurent rapidement. L’homme, par un réflexe atavique chercha un semblant d’équilibre et se redressa. La douleur le réveilla complètement. Il resta plusieurs minutes immobile pour se retrouver puis entrepris de se redresser de nouveau. La conscience revenait petit à petit. Un fond de terreur interdisait tout effort qui remettrait en route ses facultés de raisonnement. La peur, la peur ancestrale, la peur qui verrouillait ses mouvements, qui l’enfermait dans une bulle d’autoprotection, immobile, les yeux fermés comme seule preuve de son existence réelle. Il se sentait fétus dans la poche maternelle. Il roula sur lui-même et le contact d’un sol rugueux  le projeta dans l’environnement de la réalité. Il ouvrit les yeux. Dans une semi obscurité, des contours rocheux se devinaient petit à petit. A présent, il était en mesure d’affronter l’extérieur de son enveloppe, de se confronter avec ce qui n’était pas lui. Sans trop bouger, à demi couché, il balaya cette obscurité d’un regard circulaire. La cuvette dont il occupait le centre lui parue démesurée. La lumière du jour projetée d’on ne sait où colorait d’ocre et d’orangé des verticalités de pierre lisses et voilées. A quelques mètres, la masse d’un jiinns projetait son ombre sur la paroi. Le grand démon, statique comme une idole de marbre, ne regardait pas l’humain. Ses yeux ronds et dorés semblaient le traverser pour se perdre vers un point inconnu au-delà des limites de la caverne qui abritait la cuvette. A la vue de la présence de l’animal, la peur prie de nouveau possession de l’esprit de Vallys mais ses facultés de raisonnement reprirent rapidement leurs fonctions. Aucune impression de danger n’émanait de ce monstrueux voisin. Il était là un point c’est tout, gardien et au combien maître de la situation. Puis les heures passèrent dans un silence intemporel. Le jour baissait. Dans le froid qui avait envahi la caverne, Vallys entendit un grand froissement d’ailes et leva les yeux vers la partie supérieure de la cuvette. Yoth Sothot était là, perché sur un éperon rocheux. La voie grave et timbrée résonna de nouveaux dans sa tête.

    « Tu es réveillé humain. Te rends tu vraiment compte de la chance que tu as de posséder encore un peu de ta précieuse vie ? Nos appétits ne résistent pas à l’odeur de votre sang. Mais le maître Karabakh Kha souhaite te rencontrer. Le maître est seul décideur de la vie et de la mort dans la vallée de Tyhres. A plus tard humain ! »

    Quand Vallys ouvrit les yeux, il eu l’impression de sortir d’un tunnel de brume. Il ressentit la vie autour de lui. Une vie silencieuse fait de multiples respirations  animales. Douze jiinns l’entouraient, calmes, majestueux. Sur une crête qui surplombait la grande salle souterraine, un démon de par sa taille dominait tous les autres jiinns. Il paraissait vieux, très vieux. Le corps et les ailes couvertes de pelage gris anthracite, le rostre terne mais imposant tatoué de cicatrices anciennes. De son regard, de sa masse, de sa présence, se dégageait une extraordinaire impression de puissance, d’autorité sans faille.

    Karabakh Kha prit la parole. Sa voix était chaude et calme comme la voix d’un vieillard. Une voix apaisante mais lourde de menaces voilées.

    « Voilà des millénaires que les gents de ta race et de la mienne ne se sont plus rencontrer. Depuis la fin de la grande quête, les humains de ton peuple craignent les fils de Draal. Seuls, le gibier de la vallée et de la foret du Proho Sakaal se résignait, fournissant à nos frères la nourriture qui leur était due. Yoth Sothot m’a rapporté ta présence dans la vallée sombre. Nul humain ne peut y circuler impunément. Nul humain ne s’y aventure. La peur les paralyse comme les chiens sous l’orage. Tu devrais déjà être mort mais je veux savoir qui tu es, toi qui oses affronter ce territoire et défier ma puissance. Je te donne la parole, humain. Je déciderai de ton sort quand ma curiosité sera satisfaite. »

    «  Je suis Vallys fils de Tryam du clan des Gordorohts. Sache, démon que mon peuple s’est opposé au tien dans les temps anciens. Il vous a combattu avec courage et grâce aux bâtons de force, il a su conserver ses terres et sa liberté. Seul, les femmes et les enfants craignent les démons. Nous ne serons jamais ni vos esclaves ni votre gibier. Tu as raison démon, depuis des millénaires, nos peuples s’ignoraient et cela nous convenait parfaitement. Nous vivons sans haine et respectons la vie partout où nous la côtoyons. Si les fils de Draal respectent ce principe, ma présence dans ces lieux n’a pas de raison d’être. Mais je sais qu’il n’en est rien. Je suis venu de mon plein gré dans la vallée sombre parce que la trêve a été rompue par l’un des vôtres. »

    « Le peuple de Tyhres  n’a de comptes à rendre à personne et aucun humain ne pourra jamais nous défier impunément mais malgré tout, je t’écoute Vallys fils de Tryam. Qu’as tu à reprocher aux nôtres ? »

    « Je te l’ai déjà dit, mon village vie en paix avec toutes les créatures de la nature et la trêve entre nos races a résisté à de nombreuses générations. Mais un événement récent à semer le trouble chez les miens. Une femme a mis au monde un enfant. Un enfant qui porte la marque du malheur. Un enfant qui engendre la peur et détruit l’harmonie de notre communauté. Avant cet événement, un de tes frères a été vue survolant nos maisons et se posant une nuit au cœur même du village pour je ne sais quelle raison. Je le soupçonne d’être la cause de l’arrivé de cet enfant qui ne peut que nous nuire. »

     A la fin du récit de Vallys, Karabakh Kha resta un moment silencieux. L’ombre d’un souci obscurci brièvement la pureté dorée de son regard.

    « Je t’ai écouté avec patience, humain. A présent, je te renvoi à ton gardien mais nous nous reverrons très bientôt. Profites de ce petit supplément de vie, c’est un bien précieux. »

     

    ****

     

            Dans Le djïorm, Karabakh Kha réuni le conseil des douze. Il avait réfléchi toute la nuit. Cet humain l’intriguait. Il avait connaissance de la visite de Yoth Sothot au village et, s’il n’en avait pas tiré directement la signification, il était assez intelligent pour la comprendre. Là était le danger. L’enfant représentait la chose la plus importante au monde pour l’avenir même des fils de Draal. Il savait la race des jiinns sur le chemin du déclin. Bien sur, elle jouissait encore de l’immortalité mais pour combien de temps ? L’enfant devait vivre. Il était l’évolution incontournable de la vieille race, la garantie de pérennité mais aussi l’espoir d’un développement. Avec lui, un être neuf relançait la lignée. Un être qui, en plus des pouvoirs des jiinns devait supplanter les deux espèces, fondre et élargir les héritages, les acquis ancestraux des deux peuples. Bien sur l’enfant se présentait sous l’apparence humaine mais la survie était à ce prix. L’enfant devait vivre parce qu’il n’existait aucune autre alternative. C’était lui ou l’extinction et le néant à court terme.

    Dans Le djïorm, devant les douze, Karabakh Kha prit la parole :

    « Je vous ai réuni pour étudier le cas de cet humain et pour trouver la solution qui puisse nous garantir la réussite du projet qui, seul sauvera les fils de Draal de l’anéantissement. Sachez tout d’abord que l’enfant doit être élevé parmi les humains. Il doit faire parti de ce monde qui n’est pas le notre. Il doit s’intégrer et grandir chez eux. Il engendrera une nouvelle génération qui, un jour dirigera leur monde et certainement d’autres mondes encore inconnu de nous. Pour cela, rien ne doit entraver sa sécurité  ni ses chances de survie. »

    Yoth Sothot prit la parole à son tour :

    « Je ne pense pas que cet humain soit réellement une menace. Certes, il a fait le lien entre l’enfant et nous mais lui disparu, rien ne peu entraver la marche du destin. La semence a germée et l’avenir est assuré pour de nouveaux et magnifiques jiinns plus forts et plus jeunes. »

    « Je crois que la présence de cet homme n’est pas le fruit de sa seule volonté, dit Morhok. Si l’enfant était en danger immédiat, les humains l’auraient déjà mis à mort et ils ne se seraient pas donnés la peine d’envoyer l’un des leurs parmi nous. Ce voyage a un but bien précis. Ils ne savent pas ce que représente exactement la naissance de l’enfant. Ils le craignent et cherchent à comprendre. Le fils de Tryam et venu cherché la réponse à toutes ces questions qui les intriguent. »

    « Tu as raison dit Karabakh Kha si nous tuons l’humain, nous risquons de transformer leurs craintes en certitudes au détriment de la réussite de notre œuvre. En le gardant sous notre contrôle, nous conservons une monnaie d’échange en cas de besoin. Il en sera ainsi, l’humain restera sous la garde de Kraal temps que cela serra nécessaire. »

     

    ****

            De retour au fond de la cuvette, Vallys se réveilla dans les mêmes conditions que celles de sont arrivé au conseil. Une impression de flou, de tunnel de brume. Il était à présent en pleine possession de ses facultés et son sens de l’analyse fonctionnait en plein. Il fut frappé par la force et la maîtrise de la communication mentale utilisée par les démons. Aucun d’entre eux n’avait prononcé la moindre parole mais il les avait parfaitement compris. Il se senti frustré, lui qui décryptait si facilement les pensées des siens. Il eu une idée, une idée invraisemblable comme beaucoup d’idée mais il estima qu’il lui fallait encore un peu de repos. Le moment viendrait où il pourrait tenter une expérience inédite.

    Plusieurs semaines passèrent, ponctuées par l’alternance des périodes de clartés et d’obscurités qui correspondaient au jour et à la nuit extérieure et par les repas. La nourriture qui lui fut servi était essentiellement constituée d’un brouet verdâtre. Il n’y toucha pas pendant trois jours mais le quatriéme, la faim vint à bout de son aversion. Il fini par accepter le goût un peu fade du breuvage et apprécier ses qualités nutritives. Vallys, au fil des heures se remémorait les étapes de son voyage, les marches interminables qui l’avaient conduit de l’autre côté des terres connues. La lumière rasante qui pénétrait par l’ouverture invisible se reflétait sur les innombrables parcelles de quartz enchâssées dans la roche irisant les parois d’autant d’étoiles polychromes. Il se laissait bercé par le spectacle, son esprit, détaché du corps, errait par delà les monts, les vallées sauvages et les forêts. Il revit son village et les siens, le rythme de la vie, les anciens réunis pour attendre d’hypothétiques nouvelles. Il ressentit l’inquiétude qui régnait sur tous, la grande peur au fond du cœur des femmes et des vieillards. Le jiinns, gardien des lieux ne manifestait aucun sentiment, allongé en permanence sur le sol. Il regardait l’homme de ses yeux dorés qui fascinaient Vallys. Un regard qui traversait l’image de l’homme, semblant rechercher je ne sais quoi au-delà du visible. La bête ne dormait que sur le matin, les paupières closes, toutes ses fonctions au repos. Vallys qui s’était imposé un rythme de veille, mémorisait les cycles de l’animal. Il étudiait les temps de sommeil et les périodes de conscience. De temps en temps, il scrutait le jiinns au plus profond de son regard figé. Dans ses moments de concentration, il percevait parfaitement les ondes de pensée du démon. Ce qui dominait en permanence, c’était ce sentiment de calme et de puissance. Nulle crainte ne venait troubler ce mur de sérénité. Le jiinns maîtrisait parfaitement ses pensées, bien à l’abri de ses certitudes.

    Un matin, Vallys s’installa devant le démon endormi. Une légère brume recouvrait le sol de la cuvette rocheuse. Vallys ferma les yeux et se concentra sur les ondes de pensée du grand démon. Dans ses périodes de sommeil, le spectre de son esprit s’entrouvrait. Vallys, au travers d’un filtre de brume, percevait les images psychiques qui flottaient au plus profond du subconscient. Il vit la vallée défiler sous lui lentement. Il ressentit la faim de l’animal. La recherche perpétuelle de nourriture. Il ressentit également la crainte et le respect devant Karabakh Kha et les douze maîtres des airs. Mais le plus remarquable c’était la présence d’une préoccupation obscure, d’une attente sous jacente. L’esprit du démon ne matérialisait jamais cette pensée sous forme d’images. Ce qui aurait permit à Vallys de lever le voile sur les inquiétudes du jiinns. Après cette première expérience, il prit le temps de faire le point sur toutes ses découvertes depuis son arrivé dans la vallée de Tyhres. Les grands jiinns régnaient bien en maîtres sur les terres inconnues mais ils étaient moins nombreux qu’il l’avait imaginé. Les nombreuses cavernes des falaises à présent désertées devaient abriter jadis autant de démons. Qu’est ce qui affaiblissait la race des jiinns ?

    Les démons communiquaient par l’esprit. Ils se montraient capables de pénétrer dans les pensées mais ils entendaient également les voies humaines. Lui aussi était parvenu à pénétrer l’esprit du jiinns quant celui-ci relâchait son attention. Que se passerait il si le démon se réveillait à cet instant ? Fallait il poursuivre l’expérience plus avant ? Il décida de se consacrer en priorité sur le but de son voyage ; Quel rapport existait entre les jiinns et l’arrivé de l’enfant de Nira ? Quel danger représentait exactement pour le village cette aberration ? Comment la neutraliser avec ses pauvres moyens humains ? Cette avalanche de questions entama quelques peut sa détermination mais il se ressaisi rapidement. Les réponses se trouvaient ici, il en était de plus en plus persuadé.

     

    ***

     

    Un crépuscule violet noyait la vallée sombre dans son immobile beauté. Emergeant des brumes, la cime des grands sapins caressée par des lambeaux de nuage semblait peindre le ciel de couleurs rares.

    Sur la crête des falaises, tel des gargouilles, deux jiinns veillaient sur la forêt et au-delà des terres sauvages. Dans sa caverne, Karabakh Kha méditait. Il n’avait jamais eu de considération pour la race des hommes. L’histoire ancienne  lui avait appris à s’en méfier. Ils pouvaient être passifs et serviles mais le clan des Gordorohts était différent. Il avait résisté dans le passé à l’extension du territoire des jiinns avec efficacité et opiniâtreté. Les hommes de Proïha savaient se montrer intelligents et inventifs. N’avaient ils pas découvert les bâtons de puissance qui firent reculer les démons par la magie du feu bleu ?

    Et puis, bien qu’il refusait de se l’avouer, il était impressionné par la personnalité de Vallys. Que de complexité, de force et de calme chez cet humain. Le maître des démons pressentait dans cette créature inférieure un potentiel insoupçonné, une véritable harmonie naturelle qui le plaçait au dessus de ses semblables. Inconsciemment, Vallys l’attirait. A force de régner sans partage sur son peuple, une certaine lassitude s’installait et la présence de l’homme ajoutait un peu de piment dans son existence. Karabakh Kha regagna le grand djïorm. Il reverrait Vallys.

    Le silence des profonds corridors reliant les cavernes plombait la montagne de sa fantasmagorie, sortilèges peuplés de menaces sans noms. Rien ne troublait le poids des existences. Vallys pratiquait chaque matin à présent ce qu’il appelait son exploration spectrale. Il pénétrait facilement le non conscient de son gardien et par son intermédiaire, promenait son esprit dans le monde des démons, perçant de temps à autre d’autres vagues de pensées. Partout, il rencontrait les mêmes préoccupations, la même confiance dans la force de la race mais une grande crainte de l’avenir. Les jiinns avaient banalisé sa présence et avec l’accord du maître, il pouvait quitter de temps en temps sa prison pour un bref entretien avec lui. Karabakh Kha le recevait dans le djïorm seul ou parfois entouré des conseillers, les maîtres des airs. Les rapports se limitaient souvent à des interrogatoires méticuleux sur le clan des Gordorohts. Les réponses de Vallys se voulaient prudentes et suffisantes pour garantir la protection des siens. Mais il réussi dans se dialogue de diplomates à arracher de précieux renseignements qui lui permis de lever une partie du voile de mystère qui recouvrait la crainte des démons. Mai c’est en sondant l’esprit de Yoth Sothot qui put enfin approcher la terrible vérité. La bête venait lui rendre visite régulièrement, poussé par sa propre curiosité. Son orgueil personnel le poussait à se confronter à Vallys. Il voulait vérifier en personne les paroles choquantes du maître sur les qualités développées chez l’humain. Pour Vallys, il fallu beaucoup plus de temps pour arriver à entrer dans l’esprit du grand démon. Celui-ci, membre des douze maîtres des airs possédait un caractère noble et dominateur. La méthode qui était toujours la même, ne pas prolonger la conversation plus d’une heure ou deux et l’écourter sur une interrogation, se montrait payante. Dans sa volonté de domination, le jiinns, emporté par son raisonnement avait laissé pour la première foi une faille ouverte dans sa forte protection mentale. Cela a suffi à Vallys pour mémoriser cette porte psychique et la clé pour y accéder. Il lui fallu attendre de longs jour pour utiliser ce précieux sésame. Un matin, Yoth Sothot observait Vallys de l’extérieur de la cuvette. Kraal dormait de par son habitude. Vallys se concentra sur l’esprit de son gardien. Les images courantes apparurent mais l’homme ne s’y attarda pas. Il remonta jusque dans l’esprit de Yoth Sothot. Le grand  jiinns, les ailes membraneuses déployées bien à plat sur la roche, semblait somnoler. L’homme remonta le temps et revit la nuit qui recouvrait son village, la descente à côté de la hutte de Nira. Il assista à la transformation toujours soupçonné par les siens mais jamais prouvé. Puis l’épisode de la nuit le laissa prostré. Il mit fin à l’introspection dans un état de choc profond. Il venait de comprendre le but final des événements depuis le début de cette étrange aventure. L’enfant représentait un danger encore plus grand qu’il ne pouvait l’imaginer. Il devait être le vecteur d’une nouvelle race. Les choses allaient donc si mal chez les démons de Tyhres? Ils leur fallaient assurer la pérennité et sous une forme si fantastique, si incroyable !

    A présent, il n’avait plus rien à découvrir. Mais l’importance et la difficulté de la tâche qui l’attendait l’effrayaient.






    le dernier vol chapitre deux

    14/03/2010 10:00

    le dernier vol chapitre deux


    Voici la suite du dernier vol  !
    bonne lecture public chéri  !

     USUS

    Karabakh Kha

     

    Le djïorm était déserté depuis longtemps. La vaste solitude souterraine ne résonnait plus comme autrefois des mille bruissements d’ailes et des cris lugubres des grands jiinns. Tous le savaient, la prophétie se réalisait au long des siècles, irrémédiablement. Karabakh Kha, le maître des destins le savait depuis toujours, la longue lignée des jiinns dépérissait. La grande race puissante, détentrice de l’immortalité n’était plus que l’ombre d’elle-même. Toutes les sources de vie étaient épuisées aux appétits féroces des jiinns. Les humains en premiers, jadis si nombreux dans les terres sombres ne versaient plus leur sang aux dents effilées des grands démons. Les primates ensuite furent chassés et décimés sur l’autel des appétits. C’est à cette époque que les transformations cessèrent. Les grandes chauves souris ne possédaient plus les ressources suffisantes pour prendre apparence humaine. Dans sa caverne, Karabakh Kha ruminait sa détresse. Il étira son grand corps velu et changea sa position. L’air viciées, chargé de l’effluve des chaires mortes lui convenait parfaitement. C’était l’heure des décisions sans retour. Il n’avait que trop attendu, mûrissant sa pensée depuis des décennies. Il avait enfin décidé de réveiller l’antique prophétie. Le temps de l’action était venu. La grande race devait vivre quitte à bouleverser l’essence même de la vie.

    Karabakh Kha convoqua les douze maîtres des airs et pris la parole.

    « Vous, seigneurs des ténèbres vivez dans l’ombre de votre gloire. Vos compagnons ont perdu leur puissance et chaque jour qui passe détruit un peu plus notre confiance. Le suc de la vie a disparu de notre territoire et petit à petit notre peuple meure. Il est temps de réveiller votre mémoire et de vous souvenir de la prophétie de vos pères. Notre race ne peut renaître que du mariage du sang.  Je cite pour mémoire la kalahte de borotyryl. « Quant passeront les nuées du temps, quant la vigueur des Tarsces et de Ghodroz sera usée par les limites de la terre  et du ciel, quant l’espoir aura quitté les rives de notre destin, alors de l’union des jiinns et des humains naîtra la race des conquêtes. Les fils de Draal retrouveront leur fierté et leur place dans l’harmonie de l’univers. » Les humains nous rendrons cette vitalité qui nous fuie. L’ordre nouveau est en marche dans la grande spirale des temps. Nous devons lancer la mutation qui va marquer le renouveau de notre race. Demain, les douze maîtres des airs, les seigneurs des éléments se réunirons pour désigner celui qui accomplira l’œuvre de salut. L’élu partira à la recherche d’une mortelle capable d’enfanter le représentant de la nouvelle génération des jiinns. L’avenir appartiendra aux fils de Draal. » Ainsi parla Karabakh Kha et le choix se porta sur Yoth Sothot le plus puissant des jiinns.

     

    ***

     

     

    Nira fit un songe. Dans la douce chaleur de la hutte, son esprit vagabondait loin de cette nuit d’automne. Le fils qu’elle allait offrir à Bragam lui tendait deux petits bras potelés. Derrière ses lourdes moustaches, le père de l’enfant souriait au village rassemblé pour fêter la naissance. Le visage de Nira détendue et serein exultait du bonheur simple et complet de la maternité.

     Yoth Sothot tournait en  cercles concentriques au dessus du village, ses vastes ailes déployées et quasiment immobiles. Dans leurs dérisoires huttes de bois, les humains dormaient. Le village respirait dans la quiétude de la nuit. Le grand démon glissait sur l’air, passant et repassant très haut dans les nimbes. Rien n’échappait à son œil dans ce village d’hommes immobile sous les rayons lunaires. La nuit précédente, il avait rapidement repéré la femme grosse. Il su immédiatement qu’il avait trouvé celle qui serait la plus apte à recevoir le premier représentant de la nouvelle lignée des jiinns. A présent, il avait hâte d’accomplir l’acte qui devait donner à son nom l’immortalité des légendes. Il se posa en silence entre les constructions et opéra sa transformation. L’ombre de gaz pénétra dans la hutte.

    Nira ressenti sur sa peau la caresse du velours. Son rêve éveillé s’estompait laissant la place à une grande quiétude. Tout son corps se détendit. La sensation la surprit mais elle n’était pas effrayante. Au contraire, chaque parcelle de sa peau devint réceptive. La jeune femme pressentie inconsciemment une vague promesse de plaisir physique. Ses seins devinrent durs et sensibles. La lente et soyeuse caresse descendit sur son ventre et pénétra dans son intimité. Sans prévenir, l’orgasme la cloua sur sa couche. Un volcan de plaisir la submergea. Elle perdit presque conscience, subissant les vagues orgasmiques les unes après les autres, combien ? Elle n’aurait pu le dire cinq, dix peut être. La tension de son corps ne se relâchait pas, la maintenant en permanence au plus haut de cette extraordinaire extase   Jamais la possession d’un homme ne l’avait conduit à un tel sommet. Le temps ne comptait plus. Rien ne comptait plus, que le plaisir a l’état pur porté par cette vague irradiante qui faisait tressauter son corps et projetait son esprit loin, si loin dans les nimbes d’ailleurs.  

    Au petit matin, un trait de lumière lui rayait le visage. Tout son être baignait dans un total relâchement. De toute sa jeune vie, elle n’avait jamais éprouvé cela. Le souvenir de la nuit était encore si présent. Ca capacité d’imagination était complètement dépassé par la puissance de la réalité. Elle ne comprenait pas. Que s’était il passé ? D’où venait ce bonheur. Elle n’avait rien cherchée, rien provoquée. Elle resta un long moment allongée sans bouger, se raccrochant à la moindre parcelle de souvenir de la magie de la nuit. Son esprit était partagé entre le fait d’accepté la situation telle qu’elle s’était déroulé et tenter de comprendre pourquoi elle avait vécu une nuit aussi incroyable. Alors, petit à petit elle prit conscience que quelqu'un pouvait avoir tout décider. Décider de la choisir, de l’honorer mais pour quelle mystérieuse raison ? Et pourquoi elle ?

    Les dieux ; seuls les dieux ont le pouvoir d’honorer ou de punir les hommes. Leur volonté ne souffre pas de justification. Ils avaient agis dans le secret de la nuit. Nira réfléchi longtemps sur l’attitude a adopté. Ce qui venait de se produire allait bouleverser sa vie. Désormais elle ne pourrait plus oublier. Elle prit la décision de garder pour toujours au plus profond de son être le secret de sa merveilleuse aventure. Elle se rendormie souriante et apaisée.






    Le dernier vol des Jiinns

    04/03/2010 05:26

    Le dernier vol des Jiinns


    bonjour public chéri
    voici ma deuxième nouvelle. Comme je le précise dans l'intro:
    : La nouvelle qui suit est une pure fiction. Toute ressemblance avec des démons ayant existés ou existant encore actuellement est parfaitement fortuite.

    Bonne lecture et n'hésitez pas à commenter.

    Avant propos

     

     

     

     

    Si l’héroic fantasy est souvent considéré comme un genre mineur de la littérature fantastique, elle autorise toutes les libertés. Voici une nouvelle à croquer comme un fruit d’automne.

     

     Bienvenue dans les terres oubliées.


    Proïha

     

    Un vent glacé lamine la vallée, givrant les sapins et l’herbe raz. Dans une semi obscurité, la horde avance péniblement, contournant les obstacles naturels, tumulus de terre et dents de rocher. Une trentaine d’hommes et de femmes ont quitté le village tôt le matin. Le reste des habitants du site de Proïha sont resté pour garantir la sécurité des huttes et des enfants restés sur place. Le conseil s’était réuni deux jours au paravent. Le cas de Vallys avait été longuement étudié et toutes les suggestions émises ont été entendues et analysées. Les anciens dans leur sagesse ont adoptés la seule décision possible et crédible pour protéger la horde du fléau. Il fallait gagner la vallée de Tyhres et retrouvé l’autel de Kadvarra, l’autel maudit où tant d’existences déjà précaires avaient basculées. On avait formé le groupe avec les plus robuste, les plus déterminé. Ces caractères forts qui avaient mainte fois contribués à la survie de la communauté. A la tête, Krho le terrible, massif, froid mais efficace devant le danger. Puis Lirrio s’était porté volontaire. Il possédait une grande connaissance des mystères de la nature et les esprits malins ne l’impressionnaient pas. Son sens de la logique et son éternelle bonne humeur saurait insuffler au groupe le supplément de courage et de détermination en présence de multiples dangers qui attendaient l’expédition dans les territoires inconnus qu’ils devaient franchir pour atteindre la vallée de Tyhres.

    La vallée de Tyhres, les anciens la citaient comme la vallée des ombres, la terre de l’esprit sombre. Personne ne pouvait se vanter de la connaître de l’avoir déjà parcourue. Elle surgissait dans les antiques légendes, les récits de terreur qui jalonnaient les interdits ancestraux. Etrangement, personne ne pouvait dire d’où venait cette qualité dans la description des lieux maudits. Il se disait qu’au cœur de la vallée, la sombre forêt du Proho Sakaal recelait de puissants sortilèges qui rendaient fou quiconque osait les affronter. Sur les bords de la rivière sans nom, les pierres couchées servaient d’autels aux cérémonies rituelles des démons. Le sang des humains rougissait le granit et l’herbe des clairières. Cette aura de peur conditionnait le peuple des hommes de Gordoroht depuis la nuit des temps. La curiosité, le besoin d’élargissement des territoires connus se heurtaient au pouvoir de la légende.

    De temps à autre Quelques jeunes de la caste des chasseurs provoquaient volontairement la colère du conseil en bravant les interdits dans des expéditions exploratrices riches de découvertes. Les territoires de chasse s’élargissaient. A la saison des feuilles, Karha et Palla découvrirent un gisement de cette précieuse boue blanche qu’on appelle chaôla. Le gisement en question reposait entre deux plateaux granitiques, à six jours de marche des dernières terres connues. De retour au village avec leur chargement les jeunes gents affrontèrent avec la même sûreté le courroux des anciens et l’admiration des chasseurs et des femmes.

    Vallys ne chassait pas. Son art se déclinait dans le savoir des plantes et des herbes, dans l’étude de l’influence des phases de la lune sur les plantations et l’humeur des hommes.

    Les femmes grosses le consultaient avant les naissances, les jeunes hommes recherchaient ses conseils pour aborder les filles sans risque d’échec. Son regard pouvait sonder vos pensées mais jamais il n’utilisait son savoir ou son pouvoir pour meurtrir ou dominer ses semblables aussi jouissait-il d’un grand respect au sein des hommes de Gordoroht. Ce don de la nature était inné chez Vallys. Inconsciemment, il avait commencé à l’exploiter dés l’enfance. A présent, c’était un homme de vingt quatre ans en pleine possession d’un art dont la pratique traditionnellement  était l’apanage des vieux sages, ce qui le rendait exceptionnel.

    Depuis longtemps Vallys avait exploité les richesses naturelles du territoire des Gordoroht. La boue chaude et odorante qui sortait de la terre et soulageait la douleur de l’age, les plantes précieuses et rares aux vertus multiples et les racines de plaisir utilisées dans les grandes cérémonies d’initiation. Elles déclanchaient les transformations rituelles. Il savait qu’au-delà des pics bleus existaient d’autres trésors plus précieux. Le chaôla était connu  depuis très longtemps pour ses vertus de duplication de la pensée. Son père et le père de son père l’utilisaient déjà dans les séances de guérison de l’esprit, là où le médium pénétrait l’âme du patient pour s’approprier les démons internes et les vaincre de sa propre force. Le chaôla, pratiquement inexistant sur les terres connues venait principalement des plateaux Roarhins au-delà de la ligne des brumes en terres sauvages.

    Si Karha et Palla qui ne brillaient pas par leur intelligence étaient revenus du pays des brumes avec comme présent ce trésor, don des dieux, lui Vallys pouvait espérer mille foi mieux. Son projet mûrissait depuis l’age de dix huit ans. Il le peaufinait patiemment pendant des mois, préparant chaque étape, organisait dans sa tête cette grande aventure dans les moindres détails. Il irait dans la mythique vallée de Tyhres pour apprendre le secret des démons et les obligés à partager leur puissance avec un humain. Personne n’avait connaissance de se projet fou. Les gents du village, notables ou simples habitants seraient paralysés d’horreur s’ils avaient seulement imaginé qu’un des leur si puissant qu’il soit pu envisagé un voyage aussi ambitieux et totalement dépourvu du simple bon sens et de la raison des vivants.

    Puis vint l’enfantement de Nira. Les vents du nord soufflaient sur les arbres, dénudant les rameaux sous des rouleaux de nuages de plomb. On vint chercher Draïn qui du haut de ses soixante hivers avait assisté et aidé à la naissance de la moitié du village. Le travail fut long et douloureux. A l’aube, le visage de Draïn trahissait la plus grande inquiétude au vu du nouveau né qui vagissait sur la couche. Les yeux de l’enfant ronds et noirs fixaient le vieillard soutenant le poids et la force des ages avec quelque chose de malsain. Un regard de défi. Devant cette situation déroutante et inquiétante, Draïn fit quérir Vallys. Les deux hommes restèrent seuls avec le nouveau né une grande partie de la matinée puis ils se retirèrent sous la grande hutte du conseil. Les palabres durèrent des heures. Les décisions furent prises. A l’aube du lendemain, Vallys quittait le village alors que le fils de Nira fut confié à la surveillance de Draïn jusqu’à son retour. Les deux premiers mois de neige virent le village sombrer dans une léthargie, un abandon de la joie de vivre commune qui ne manqua pas d’inquiéter les notables. Draïn, la plus part du temps enfermé dans sa hutte, veillait sur le nouveau né interdisant à quiconque l’accès au berceau. Cet interdit s’adressait également à la mère de l’enfant qui, soumise à l’autorité du vénérable vieillard, consolait sa peine loin de son mari. Bragam de la caste des pécheurs, passait la belle saison sur les berges du grand fleuve à quatre jours de marche du village. Quant des nouvelles inquiétantes du village parvinrent à ses oreilles, il quitta précipitamment ses compagnons de pêche et couru au site de Proïha. A son arrivé, une délégation du conseille l’attendait. On le conduisit à la grande hutte où  Draïn l’accueilli.

    « Prend un siége Bragam et écoute car ce que j’ai à te dire va prendre du temps et ne sera pas agréable à entendre. »

    « Que se passe-il ici vieillard? Le village est comme mort et les rumeurs parvenues au fleuve sont étranges et alarmantes. »

    « Tout d’abord je dois te dire que ta femme Nira est sortie de couche, elle a mis son enfant au monde. »

    Bragam bondi de son siége et pris l’ancien pas le col de sa pelisse.

    « Comment ose tu m’annoncer que je suis père de cette manière ? Quel est donc ce village où les enfants viennent au monde sans la présence de leur créateur ? Explique toi Draïn avant que je te fracasse le crâne. » 

    « Calme toi mon ami, les choses ici sont beaucoup plus graves que tu ne le penses. Je vais commencer par le début. Deux de nos chasseurs sont parti dans les terres sauvages. A leur retour, si rien ne semblait changé, pourtant il se passa quelques incidents discrets et étrange. Un soir, le ciel déjà noir, s’obscurci davantage comme si un grand oiseau passait entre nous et la lune. Je fumais ma pipe devant ma porte quant cela se produit. Au passage de l’ombre, j’eu le dos glacé et une vague de terreur envahie mon l’esprit. Le surlendemain, la chose se reproduit. Je pus mieux distingué un grand oiseau noir aux ailes membraneuses se poser à côté de la hutte de Nira. J’étais paralysé par une force plus puissante que ma volonté. Je ne peux pas dire au bout de combien de temps la créature déploya ses ailes et reparti vers l’horizon. Cette apparition me tortura l’esprit mais tout était calme au village et petit à petit, ma vie reprit son cours. Quant on m’appela pour l’enfantement de Nira, je fis ce que j’ai toujours fait pour les femmes du village mais j’ai vu les yeux de l’enfant. Ce ne sont pas les yeux d’un nouveau né, son regard est une flèche de guerre. Cet enfant abrite une aberration. Je me suis rappelé de la visite de la créature ailée. Ne sachant que faire, j’ai appelé Vallys à mon secours. Nous avons étudié l’enfant pendant des heures et pendant des heures ses yeux d’un noir d’ébènes nous ont scrutés. Son visage restait profondément fermé, verrouillé et glacé comme une mare en hiver. C’est Vallys qui fi le rapprochement entre la visite de la créature et l’aberration qui nous apparaissait sous les traits de ce nouveau né. Le jour même, le conseil fut réuni et la décision fut prise, Vallys parti pour les terres sauvages. Il était persuadé que la réponse à cette menace qui pèse sur le village se trouve dans la vallée de Tyhres. Malgré les multiples réticences, Vallys est parti avec l’accord du conseil. A présent, je ne peux pas t’interdire de voir l’enfant et toi seul peux te faire ta propre opinion. »

    « Je verrai l’enfant. Draïn mon cœur est rempli de peine mais ta parole est droite et je jugerai de la situation sans passion et sans crainte. »

    Bragam pénétra sous la hutte, suivi de Draïn. C’était un homme fort, fier et courageux. Il avait mené et gagné des combats terribles contre les autres tribus pour le monopole des meilleurs lieus de pêche sur les rives du grand fleuve, jamais la peur n’avait obscurci son âme. Il resta un long moment, silencieux devant le berceau, face à deux diamants noirs qui le fixaient. Devant ce berceau qui abritait quelque chose qui ressemblait à un nouveau né, Bragam ressenti la peur pour la première fois.

     

    Et oui la suite au prochain article.

    Salut !

      




    NECRONOMICON Epilogue

    04/02/2010 01:57

    NECRONOMICON Epilogue


    Bruno regagna la France. L'oncle Charly lui avait écrit une longue lettre où il était question d'une nouvelle affaire de disparition, de templiers et de déplacement de capitaux suspect. Barthélemy, quant à lui, resta aux Etats-Unis et conserva des relations suivies avec l'oncle Charly et Don Pablo Storda qui l'instruisit d'autres secrets enfouis dans la grande bibliothèque du Vatican. Et le prieur me direz-vous ? Personne n'entendit plus parler de lui, il avait disparu. Mais, allez savoir !

     

     

    Épilogue

     

     

    Sur la quarante-et-unième planète du troisième système de la constellation de la Lyre, Xy discutait avec son chef de cabinet, confortablement installé dans sa sphère de gaz ammoniaque, quand une ordonnance du ministère des affaires extérieures sollicita une audience.

    « Président, je suis envoyé par le Pr. Ko han, responsable de la gestion des transferts. Nous avons eu un problème sur la Planète Bleue. L'interstice est détruit et on est sans nouvelle du pourvoyeur. Nous pensons qu'il est également inutilisable. »
    « Voilà qui est extrêmement fâcheux. C'était notre cinquième et dernier interstice. D'autre part, j'appréciais énormément ces petites friandises, cadeaux des indigènes de cette planète. Quelle délicatesse, quelle fraîcheur. Je n'ai retrouvé l'équivalent sur aucune autre planète du continuum. »

    « Ne vous inquiétez pas outre mesure, rétorque le chef de cabinet, il nous reste un atout de taille sur la terre. Le mythe date d'environ deux millénaires. Nous allons ressusciter Jésus-Christ. »

     






    retour à Arkham

    02/02/2010 18:24

    retour à Arkham



    Salut public chéri !
    Ci gît la suite de NECRONOMICON
    Qu'on se le dise!

    L'école fonctionna une douzaine d'années, mais les rumeurs sur les activités occultes de son fondateur allèrent bon train et s'amplifièrent. Quand Jerémyas Walconne jugea sa tranquillité trop menacée pour continuer ses activités, il décida de vendre la propriété et partit pour l'étranger. La ville d'Arkham acheta l'ensemble et y installa l'université.

    ***

    Vers cinq heures du soir, Bruno et Barth reprirent le chemin de l'auberge. La salle basse bourdonnait des conversations des clients. La bière coulait à flots. De nombreux groupes animés et buvant sec entretenaient cette ambiance de fin de foire.

    À la table voisine des deux amis, cinq personnages plus bruyants, certainement plus imbibés que les autres, menaient grand train. Les plaisanteries piquetées d'éclats de rire tonitruants perçaient le brouhaha général. L'attention des jeunes gents fut attirée par la scène qui s'y déroulait. L'un des hommes passablement ivres ne semblait plus apprécier les moqueries de ses compagnons. Les quatre autres individus prenaient apparemment beaucoup de plaisir à le faire trébucher et le renvoyer comme une balle chaque fois qu'il se relevait. Plus le jeu durait, plus les rires et les grasses plaisanteries fusaient. Au bout d'un certain temps, le malheureux buveur, vaincu par l'alcool et la véhémence de ses protestations ne résistait même plus. Il était ballotté comme une barque un jour de tempête.

    Bruno regarda Barth. « Je crois qu'il est temps de lui donner un petit coup de main. »

    Les deux amis se levèrent et se mirent en devoir de redresser le buveur. Ils s'apprêtaient à l'accompagner vers la sortie lorsque deux des compagnons de l'homme leur barrèrent le passage.

    « Eh les gars, mêlez-vous de ce qui vous regarde. Personne ne vous a demandé quoi que se soit alors tirez-vous. »

    « Je crois, dit Bruno, que votre ami n'apprécie plus du tout le petit jeu qui vous amuse tant, alors je l'invite personnellement à terminer la soirée dans un endroit plus calme. »

    Les buveurs, interloqués, levèrent les yeux.

    « Si un ou plusieurs d'entre vous ont quelques objections, mon camarade et moi sommes à votre disposition. »

    Devant la détermination des deux hommes, le groupe marqua un temps d'arrêt. Fallait-il relever le défi ?

    Après une minute qui parut interminable, les deux ivrognes jugèrent l'aventure périlleuse et retournèrent à leurs bouteilles.

    A l'extérieur, l'homme semblait retrouver un peu de conscience.

    « Je vous remercie de votre intervention, mais, vous savez, j'ai l'habitude. Le vieux Jones ne vit pas comme eux alors ils n'aiment pas le vieux Jones. Mais ça ne va pas bien loin. Encore merci gentlemen et au plaisir de vous revoir.
    La nuit était tombée. Le vieux Jones se fondit dans le noir d'une ruelle adjacente à L'auberge. »

    « Curieux personnage. »

    « Oui, répondit Bruno, un solitaire. »

    Le lendemain matin, ce fut encore le professeur Worms qui les accueillit, mais ses obligations professionnelles le ramenèrent rapidement vers ses salles de cours.

    Les deux jeunes gens rejoignirent la bibliothèque au premier étage.

    Dynna Bridges, la responsable, les salua et mit à leur disposition un bureau de consultation et le plan des rayonnages où les ouvrages étaient classés par thèmes.

    Le travail de recherche commença. Il fallait tout d'abord faire le tri dans la longue liste des chapitres thématiques. Puis consulter méticuleusement chaque chapitre qui pouvait réunir une centaine d'ouvrages. La grande bibliothèque abritait au bas mot vingt à trente mille pièces. La journée passa rapidement. Puis la journée suivante et les deux autres ne virent pas évoluer les recherches.

    Le découragement gagnait. Bruno, qui avait décidé de conserver une certaine confidentialité sur le but de leurs recherches, se résigna en désespoir de cause à prendre quelques renseignements sur Abdul Alhazred auprès de la responsable bibliothécaire Dynna Bridges.

    Ils trouvèrent celle-ci dans son bureau.

    « Que puis-je faire pour vous être utile, messieurs ? »

    « Nous sommes à la recherche d'un auteur particulier et je dois admettre que par manque d'expérience, nous pataugeons lamentablement. Nous aurions besoin autant de votre grande connaissance de cette mine d'or culturelle que de votre précieux savoir. »

    La bibliothécaire rosit sous le compliment et attendit la suite tout sourire.
    « Nous aimerions trouver des ouvrages d'un écrivain arabe du nom de Abdul Alhazred. »
    Les yeux de Dynna Bridges devinrent plus froids malgré le sourire avenant. 
    « De mémoire, nous n'avons aucun auteur de ce nom ici. »

     « Pourtant, Ron Grand, un ancien élève de votre noble institution m'a assuré avoir consulté ce genre d'ouvrages ici même. »

    « Je ne connais pas de Ron Grand et je vous répète qu'il n'existe aucun volume à ce nom dans cet établissement et, croyez-moi, j'ai la prétention de connaître mon métier. À présent, si vous n'avez pas d'autre besoin, je vous demanderais d'avoir l'obligeance de vous retirer, j'ai beaucoup de travail. »

    Les deux amis sortirent du bureau et se dirigèrent vers le bar du club des élèves au rez-de-chaussée pour prendre un café et faire le point.
    « As-tu remarqué son changement d'attitude lorsque j'ai prononcé le nom d'Abdul Alhazred ? »

    « En effet, elle s'est totalement refermée. Cette femme en sait très certainement plus qu'elle ne veut en dire et ce n'est pas difficile vu qu'elle ne veut rien dire du tout. »

    « Retour à la case départ. »

    La voix s'éleva dans le box contigu.

    « Vous semblez ennuyés gentlemans ? Le vieux Jones peut-il faire quelque chose pour vous ? »

    Le vieil ivrogne les regardait, mais il n'avait plus rien d'un ivrogne.

    « Que diable faites-vous là l'ami ? »

    « Je viens faire une petite pose entre deux rangements. »

    Le vieil homme prit le temps de contourner la séparation de bois et de s’asseoir à la table.

    « Je travaille dans cette vénérable maison depuis bientôt quarante ans. Mais, sans écouter particulièrement votre conversation, j'ai cru comprendre que vous pourriez avoir quelques soucis. »

    « Aussi, je répète : le vieux Jones peut-il faire quelque chose pour vous? »

     « Oh, nous venons de nous heurter à une fin de non recevoir de la part de la responsable de la grande bibliothèque. »

    Jugeant que le bonhomme ne présentait pas de gros risque, mais qu'au contraire son ancienneté dans la maison pourrait leur être d'une quelconque utilité, Bruno se mit en devoir de lui présenter le problème qui les tenait en échec depuis leur arrivée.
    Après l'avoir écouté avec une attention soutenue, le vieux Jones se leva.
    « Gentlemans ! Le caractère particulier de cet entretien mérite qu'on le poursuive dans un endroit plus discret, tout au moins en dehors de l'université. Je vous donne donc rendez-vous à dix heures dans la petite arrière-salle de l'auberge, c'est là que je tue le diable tous les soirs à l'aide d'un vénérable whisky. »

    Bruno et Barth quittèrent l'université avec un peu d'espoir au cœur. Peut-être ce curieux personnage pourrait-il faire avancer les choses ?

    Le soir même, les deux amis se rendirent au lieu dit où les attendait le vieux Jones.

    Il commanda d'autorité trois chopes de bière.

    « J'ai écouté attentivement votre histoire et je la trouve particulièrement digne d'intérêt. J'ai bien connu Ron Grand. C'était un garçon intelligent. Je me souviens que le lendemain du jour de son agression, il y eut un discret mais important remue-ménage à la bibliothèque. Une certaine quantité de livres fut emmenée et ne reparut jamais. Mais le vieux Jones n'est pas né de la dernière pluie, il connaît le pavillon Walconne au fond du domaine. Je vous propose une visite discrète au pavillon et je suis prêt à parier ma prochaine cuite que ce que vous cherchez vous y attend. D'autre part, méfiez vous de Dynna Bridges. Cette femme a de drôles de fréquentations. Il existe à l'université plusieurs clubs d'élèves plus ou moins sympathiques. Mais il en est un particulièrement troublant tant ses activités sont opaques. Ses membres se nomment « Les frères de Krodenko » en référence à une ancienne légende polynésienne. Il n'est pas rare de voir Miss Bridges en compagnie de ces élèves en dehors des cours. »

    Rendez-vous fut pris le lendemain vers sept heures du soir pour une visite au pavillon Walconne. L'heure était particulièrement bien choisie. La plupart des élèves et professeurs étaient occupés à prendre le repas du soir dans les réfectoires.

    Pour quiconque ne connaissant pas parfaitement le domaine, le pavillon Walconne était insoupçonnable. Caché pas un fouillis de végétation à l'extrême limite nord de l'immense parc, sa taille ne dépassait pas le gabarit d'un pavillon de chasse.

    Le vieux Jones se fit fort d'apprivoiser la serrure à l'aide d'un petit appareil métallique. A l'intérieur, l'unique pièce était meublée sobrement. Quatre fauteuils à dossier ouvragé entouraient une table de chêne massif, le tout posé sur un tapis de laine. Une monumentale bibliothèque complétait le mobilier. Bruno ne prit pas le temps d'examiner les lieux et se dirigea directement sur la bibliothèque. Là, entouré d'une vingtaine de volumes hors d'âge, un gros livre à la couverture renforcée dépassait largement la capacité de l'étagère. Sur la couverture de cuir vert sombre, en lettres rouges et or, on pouvait lire Al Azif Ça ne prit pas plus d'une minute. Le volume fut enveloppé d'un linge et enfermé dans un sac à dos. L'instant d'après, une fois la porte refermée, les trois intrus quittaient rapidement les lieux.

    Plus d'un mois s'était passé quand les deux amis se retrouvèrent chez l'oncle Charly. L'ambiance était aux confidences après un bon repas. Dans le salon, autour d'un verre de cognac.

    Bruno prit la parole le premier.

    « Nos divers voyages et le résultat de nos multiples recherches ont porté leurs fruits. Il m'a fallu trois bonnes semaines d'étude et de synthèse pour retracer toute l'histoire. Et quelle histoire ! Mais je vais prendre les choses dans l'ordre chronologique. Tout commence en Mésopotamie voilà environ quatre milles ans. Un berger découvre dans le reg une pierre étrange semblable à un miroir. Connaissant l'existence des météorites, il garda précieusement la pierre, la croyant de nature magique. Un chaman de passage dans le village se vit offrir l'hospitalité par notre paysan. Il remarqua la pierre et fort de son autorité religieuse, se la fit remettre. Il ramena la pierre au temple et l'observa. La pierre semblait réagir à certaines intonations. Cette étude passionna le chaman qui lui consacra toute sa vie. Un jour, une formule faite d'une combinaison d'intonations modulées fit réagir la pierre d'une manière plus spectaculaire. L'ambiance de la pièce se modifia et le Kraken se matérialisa. Au comble de l'horreur, le vieux chaman recula, mais à cet instant, une novice entra dans la pièce, attirée par des bruits étranges. Tout se déroula très rapidement. Les tentacules ligotèrent la jeune fille et l'animal repartit par où il était apparu.
    Remis de ses émotions, le chaman réfléchit à la situation. L'idée d'exploiter cette fantastique découverte mûrit petit à petit.  Il prit son temps pour peaufiner son plan. Il venait de créer une nouvelle croyance, un nouveau culte. Grâce à ce pouvoir, il règnerait désormais sur le village et avec un peu d'ambition, sur la contrée. Et de l'ambition, il n'en manquait pas. Le culte prit forme. Le chaman s'entoura d'adeptes et de serviteurs, ainsi que de soldats. A partit de ce moment, le peuple vécut dans une ambiance de peur perpétuelle. Pour asseoir son autorité, le chaman organisa des cérémonies sacrificielles. On sut très vite que le monstrueux animal n'acceptait en offrande que des jeunes filles vierges. L'offrande devait se renouveler tous les ans. On creusa dans le roc un nouveau temple plus vaste et plus digne de cette nouvelle divinité. Les siècles passèrent. Le culte s'étendit avec la découverte de nouvelles pierres. Au total, cinq pierres d'appel furent trouvées dans les déserts du Moyen-Orient. Cinq temples furent fondés, un par continent. Le temple polynésien, sur une petite île, consacra sa dévotion à Krodenko. Le temple asiatique conserva le nom de Kraken ainsi que le temple européen. En Afrique, on adorait M' FULHIA.
    Le continent australien ne reçut jamais le culte du Kraken bien qu'un temple soit construit au plus profond des déserts. Au huitième siècle, un personnage étudia particulièrement l'histoire du culte du Kraken. Ses contemporains l'appelèrent Abdul Alhazred, l'arabe fou. Il poussa très loin ses recherches et pratiqua également de nombreuses expériences qui lui permirent de rassembler une somme de connaissances qu'il consigna dans un livre Al Azif. Malgré toutes ces années de fouilles, il fut incapable de retrouver la formule d'appel qui faisait apparaître le monstre. Le culte, en fonction des cites géographiques, connut des fortunes diverses. Le temple originel disparut le premier. L'histoire raconte qu'un jour une jeune fille non vierge fut offerte en sacrifice. La société religieuse le paya chèrement. La disparition du temple serait liée à cette erreur. Pendant des siècles, les autres temples prospérèrent, puis l'époque contemporaine vint à bout de quelques-uns d'entre eux. »

    L'oncle Charly qui avait patiemment attendu la fin du récit de Bruno prit la parole.
    « Dés le début de mon travail de recherche, j'ai senti deux types d'influences. Tout d'abord, une sorte de force occulte et puissante qui essayait de freiner mes investigations et brouillait les pistes en faisant mystérieusement disparaître tous les indices susceptibles de m'éclairer. D'autre part, dans l'ombre mais toujours présent, une sorte de soutien anonyme qui renouait systématiquement le fil conducteur lorsque celui-ci paraissait rompu. J'ai tout fait pour éclaircir ce mystère, pour mettre un nom sur celui ou ceux qui m'aidaient indirectement et malgré le peu de renseignements, j'ai découvert un début de piste. Bruno, possèdes-tu encore le message qu'on a glissé dans ta poche à Presre ? Ainsi que celui que tu a découvert dans la doublure du livre chez le vieux bouquiniste ? »

    « Je les ai amenés. Je les ai lus et relus mais je n'en ai rien tiré de plus que ce qu'on voulait que j'y trouve. »

    L'oncle Charly déplia les deux papiers et les défroissa bien à plat sur la table. Ensuite, il plaça le premier papier à la hauteur d'une lampe et l'observa par transparence.
    « Vous pourrez remarquer que ce papier possède un filigrane. Il ne m'a pas fallu longtemps pour reconnaître son origine. Cela va vous surprendre, mais ce papier a été fabriqué pour un client bien particulier, le Vatican. Vous pourrez également constater que le deuxième message est du même cru. L'écriture nous prouve que l'auteur des deux messages est une seule et même personne. Je me suis ensuite demandé si cette personne a utilisé sciemment ce type de papier. Je crois à présent que cet informateur ne souhaite pas se découvrir directement, mais aimerait malgré tout conserver le lien qui nous unit. Mes regards se sont donc portés sur Rome et Saint-Pierre .Les questions suivantes sont : Qui est cette personne ? Comment la trouver ? Pourquoi nous aide-t-elle ? En considérant que le sujet de cette affaire requiert une bonne somme de connaissances et une longue expérience, j'ai supposé que ce mystérieux allié, puisque dorénavant je le considère comme tel, doit être un passionné d'études. Il a certainement accès à une grande quantité de documents, documents parfaitement protégés et confidentiels. Ce genre de renseignements est conservé dans des endroits inaccessibles au commun des mortels. Grâce à quelques relations, j'ai pu mettre un nom sur ce personnage. Si le fil de mes déductions est juste, notre homme est bibliothécaire à la grande bibliothèque du Vatican et s'appelle Don Pablo Storda. »
    « Vous avez fait un travail remarquable, dit Barth, et notre enquête progresse. Quelque chose me dit qu'un séjour en Italie s'impose. »

    « En effet, il est grand temps que nous fassions connaissance de Don Pablo Storda. »

     

    La cité plusieurs fois millénaire s'étendait au regard des trois amis sous l'éblouissant et torride soleil de juillet. L'hôtel Campa del. sol les accueillit. Tout respirait le parfum du tourisme et du farniente en cette fin d'après-midi. Le briefing leur prit deux bonnes heures. Charly et Bruno prendraient rendez-vous avec le responsable des relations publiques de la cité papale, M. Pesinni, sous prétexte de préparer un ouvrage sur le Vatican. La place Saint-Pierre accueillait son contingent habituel de badauds, groupes de religieuses ou visiteurs profanes. Des vendeurs à la sauvette prospéraient à l'abri des rues adjacentes.

    C'est le lendemain vers neuf heures que Charly et Bruno se présentèrent à la porte du secrétariat de M. Pesinni. Un jeune religieux en soutane les reçut fort protocolairement et les introduisit dans le grand bureau de leur hôte.
    « Messieurs, asseyez-vous je vous en prie. Vous avez donc l'intention d'écrire sur notre sainte cité. Mais ne croyez-vous pas qu'avec la multitude d'ouvrages qui lui est déjà consacrée, tout n'ait été dit et redit ? »

    « Qui peut se vanter d'avoir tout dit sur un tel sujet ? Et puis ce qui nous intéresse particulièrement c'est une période encore mal connue de l'histoire, entre autre l'action du saint office et des tribunaux d'inquisition pendant les divers schismes qui ont émaillé la chrétienté au cours des siècles. »

    « Vaste sujet et ô combien délicat. Mais je suis prêt à mettre à votre disposition quelques moyens de recherches non négligeables. Frère Marc, mon premier vicaire, que vous avez croisé dans l'antichambre, va vous diriger vers notre centre de documentation où il vous confiera aux bons soins de don Pablo Storda, notre responsable bibliothécaire. C'est un collaborateur assez particulier qui consacre depuis très longtemps sa vie à la méditation et à l'étude, mais représente, s'il en est, la mémoire vivante de cette maison. Je vous souhaite un bon séjour dans nos murs. »

    Au travers des multiples salles, des longs et antiques couloirs du palais, frère Marc les guida vers le centre de documentation. Un ensemble de quatre vastes pièces abritait de hautes bibliothèques et des bureaux de lecture. Dans la dernière des pièces, un homme debout devant une écritoire consultait un livre.

    Le visage impressionna les visiteurs. Pâle, taillé à coups de serpe, habillé d'une fine moustache, deux lèvres pincées s'effaçaient sous l'intensité d'un regard froid et profond. L'homme vêtu en clergyman, ne détourna pas la tête.

    « Je vous attendais depuis quelques temps. Vous avez pris du retard sur les événements, mais ce n'est ni le lieu ni le moment d'aborder certains sujets. Il existe dans la via Drodche une petite chapelle. Derrière le chœur, j'occupe un bureau où j'aime travailler dans le calme et la discrétion. Je vous y attendrai ce soir à vingt-deux heures. Maintenant, parlons un peu de votre reportage pour crédibiliser votre visite. »

    L'entretien dura deux heures, riches en révélations. Don Pablo Storda pouvait représenter à lui seul toute l'érudition du centre et disserta avec aisance sur toutes les directions qu'ont prises dans l'histoire les multiples schismes, les grandes et petites divisions issues de la longue et complexe saga du christianisme.

    À l'approche de certains sujets, Bruno remarqua que Storda, si prodigue de paroles, si habile de démonstration colorée, s'imposait volontairement des retenues. Il arrêtait la conversation et la détournait vers d'autres directions avec beaucoup de subtilité.

    Don Pablo Storda avait installé son cabinet de travail dans une petite pièce voûtée aux murs de pierres apparentes, à peine éclairée par une minuscule fenêtre.
    Barthélemy, qui accompagnait ses deux amis, fut d'emblée impressionné par la forte personnalité du religieux. Le personnage s'imposait par son calme et une froide mais lucide détermination. Le regard, droit et franc, semblait être le meilleur ambassadeur d'un caractère entier mais ouvert aux autres et toujours à l'écoute.
    « Avant de continuer nos échanges sur l'affaire qui nous intéresse tous, je dois vous éclairer sur ma démarche. Pour bien situer les choses, il faut comprendre que je suis plus proche philosophiquement de Spinoza que de tous les Torquemada de l'histoire. La recherche de la vérité ou plutôt des vérités qui émaillent ça et là la grande aventure humaine m'a amené sur les berges de couloirs sombres, les brèches brumeuses et chaotiques de l'histoire. L'existence de certaines divinités dont l'origine remonte à la nuit des temps nous est connue. Le monde a vécu avant l'arrivée des chrétiens. Mais, si un jour ces rites venaient à reparaître, si des pratiques sinistres et inhumaines redonnaient à certains le goût du mal, alors à terme les hommes seraient en grand danger. Messieurs, c'est exactement ce qui se passe aujourd'hui. Un groupe de fanatiques plus ou moins lucides a découvert par hasard un secret vieux de plus de quatre milles ans. Ces individus, aveuglés par leur folie, sont prêts à déchaîner sur notre monde une des plus grandes et des plus anciennes terreurs qu'il ait été possible de rencontrer. Le caractère matérialiste de nos sociétés a endormi notre méfiance et, fières de notre technologie, maîtrisant à la fois le temps et les distances, nous nous sommes éloignés de notre passé. Nous avons fractionné notre mémoire collective et n'avons conservé dans nos tablettes que ce qui pouvait être en harmonie avec notre vie. Si nous oublions ou négligeons les connaissances du passé, d'autres s'en emparent et en usent pour de bien sombres buts. Durant plusieurs années, j'ai suivi la progression des frères de Krodenko, c'est le nom dont s'est doté ce mouvement occulte. J'ai surveillé leur organisation, espionné leur réunion par personne interposée. Puis mon informateur a été victime d'une faille dans sa couverture et le groupe l'a éliminé. De par ma position, je ne peux pas agir directement sans m'attirer les foudres de mes supérieurs. L'Eglise n'aime pas que l'on s'occupe de ce type de sujet. Elle craint que les médias, toujours friands de sensationnel, ne créent des polémiques qui n'arrangeraient en rien son image de marque. Si je voulais poursuivre mon action contre le groupe, j'avais besoin d'alliés. J'ai appris que d'autres personnes s'intéressaient au problème. Je me suis d'abord assuré que je pouvais vous faire confiance avant de vous orienter discrètement vers moi. Les choses se présentent ainsi. Si votre enquête est motivée par la simple curiosité, je m'effacerai et je vous laisserai continuer votre chemin. Il faut malgré tout que vous soyez conscient de l'importance de l'enjeu. Par contre, si vous êtes décidés comme je le pense à prendre une part active dans la lutte contre cette secte et contribuer à sa destruction, alors je mets immédiatement à votre disposition toutes les informations que j'ai pu recueillir durant ces années, ce qui vous fera gagner beaucoup de temps. »

    Après avoir écouté longuement Don Pablo Storda, Bruno prit la parole :

    « Nous acceptons votre aide précieuse. Je pense que votre correspondant s'appelait Ron Grand. C'est sa mort qui nous a déterminés à poursuivre cette mission et je crois que nous la considérerons comme close lorsque les coupables seront arrêtés et le danger écarté. »

    Storda passa une bonne partie de la nuit à instruire le groupe du résultat de ses longues et fructueuses recherches. On apprit notamment que les frères de Krodenko sont environ une centaine, répartis en deux groupes dont l'un est dirigé par Dynna Bridges. Don Pablo n'a jamais réussi à mettre à jour l'identité du deuxième personnage, qui semblait être le premier manipulateur du groupe. Il connaissait l'existence du temple de Providence mais l'expérience vécue par Barth et Bruno lui avait été riche d'enseignement. Il fallait à présent décider de la marche à suivre et déterminer un plan d'action.

    ***

    Dans son bureau, Dynna Bridges relut le message. De nouveau, elle ressentit une impression pénible comme à chaque missive du prieur. L'allusion aux deux célébrants qu'elle lui avait envoyés était lourde de sous-entendus. Le prieur se méfiait d'elle. S'il avait considéré les célébrants comme des espions au service de Dynna, elle ne se faisait pas beaucoup d'illusion sur leur sort. Le prieur n'était pas homme à partager le pouvoir. Il tolérait Dynna parce qu'il avait besoin d'elle. Il avait besoin d'une antenne dans le monde universitaire, véritable creuset de recrutement. Les adolescents et les jeunes adultes étaient ô combien vulnérables et prêts à s'investir dans le culte si on les mettait en présence de toute la force du mythe. Dynna était la rabatteuse, et lui forgeait les nouveaux adeptes à sa botte, transformant comme tout gourou les crédules en serviteurs soumis et efficaces. La responsable bibliothécaire était une femme d'ambition. Elle connaissait l'histoire des anciens chamans. Leur pouvoir et leur ascension la fascinaient. Pour entrer dans le cercle du prieur, elle l'avait séduit, mais son ascendance sur lui s'était vite inversée. Depuis, le prieur l'utilisait en lui faisant bien comprendre qu'il possédait la puissance avec le pouvoir d'invocation. Nul ne savait qui était ni d'où venait le prieur. Il dirigeait le cercle des adeptes dans l'ombre. Ses apparitions étaient liées aux cérémonies d'accréditations, sortes de grandes messes où, à coups de discours fleuves et de rituels de prières, il verrouillait son ascendance sur ses ouailles. Le prieur tirait son pouvoir de la parfaite connaissance du culte de Krodenko. Le culte régnait en maître absolu sur quelques îles du Pacifique trois siècles plus tôt. Le prieur possédait aussi un sens quasi magique de la psychologie des masses lié à une grande faculté de manipulation. Tout individu qui se présentait au travers de sa route était systématiquement éliminé. Ron Grand en avait fait la tragique expérience. Maintenant, il sentait le courant changer. Les choses bougeaient autour de lui. Des fouineurs étaient passés au site de Providence. Il fallait réagir vite mais, avant, l'attitude de Dynna Bridges l'agaçait prodigieusement. Cette femelle était trop ambitieuse, trop sûre d'elle. Il aurait bien réglé définitivement le problème, mais il avait encore besoin d'elle. Mieux valait endormir sa méfiance et lui donner pour quelques temps un peu de responsabilité. Le prieur avait besoin de temps. La partie engagée depuis quelques mois était loin d'être achevée. Le deuxième groupe était à peine formé par Dynna. Il lui fallait organiser la cérémonie d'appel, trouver la vierge indispensable pour le sacrifice. C'est à ce prix que les novices seront à jamais liés à la secte. La cérémonie a toujours créé le choc psychologique nécessaire et suffisant pour aliéner les individus. À ce propos, Vladislav lui avait remis son rapport sur la quête de la vierge par la voie habituelle. L'enlèvement devait se faire dans l'état du Maine. La victime, choisie après une enquête approfondie, n'avait ni famille ni amis. Au demeurant, personne ne devait s'inquiéter de sa disparition. Vladislav était parfait pour ce genre de mission. Il donna ses ordres et fixa la cérémonie au mois suivant.

    C'est à l'auberge d'Arkham que Bruno et Barth installèrent leur quartier. Il fallait surveiller les faits et gestes de certains élèves membres du club. Ce ne fut pas bien difficile. Les intéressés allaient et venaient librement sans refléter la moindre attitude équivoque. Trois soirs par semaine, tout ce petit monde se réunissait au centre culturel de la ville autour de Dynna Bridges. Malgré une attention soutenue, rien ne trahissait une quelconque activité douteuse dans les habitudes des étudiants. Bruno allait céder au découragement quand, un mardi, il remarqua des têtes nouvelles dans l'assemblée. À la fin de la conférence, il attendit la sortie des spectateurs, mais les deux inconnus se dirigèrent vers Dynna. Ils eurent avec elle une brève conversation et quittèrent ensuite le centre culturel. Dans leur voiture, Bruno et Barth prirent la Chrysler des inconnus en filature. Ils sortirent de la ville par les faubourgs ouest et s'engagèrent dans une zone d'entrepôts déserte. La Chrysler s'arrêta devant un hangar et les deux occupants entrèrent dans le bâtiment. Bruno rangea la voiture à quelque distance. Ils se demandaient encore quelle attitude adopter quand un camion sortit du hangar et prit la route des collines. Bruno crut reconnaître un des occupants de la Chrysler au volant du camion. La filature reprit avec une distance de sécurité. Bruno reconnut la route qui les avait emmenés quelque mois plus tôt sur le site du temple. Après deux heures de route, le camion quitta la voie principale pour emprunter un chemin de traverse. Le paysage changea. Des escarpements rocheux surplombaient le chemin. Le camion roulait maintenant au pas et Bruno redoubla d'efforts pour ne pas être repéré. Puis, au détour d'un virage, des lumières apparurent. Le camion stoppa devant un passage protégé par une herse. Des hommes en armes approchèrent. Ils eurent un bref conciliabule avec le chauffeur et déplacèrent la herse pour ouvrirent le passage. Le camion disparut de la vue. Invisible du barrage, Bruno avait coupé le moteur de la voiture.
    « Mon vieux Barth. Nous n'irons pas plus loin. Les gaillards-là n'ont pas l'air d'enfants de choeur. Je suggère de regagner la ville et de revenir avec de l'équipement pour voir ce qui se passe au bout du chemin. »

    La voiture fut poussée à la main pour faire demi-tour. Ils se laissèrent glisser dans la pente, moteur éteint, et s'éloignèrent du barrage. Quelques minutes après, les hommes de garde fondirent dans les collines.

    De retour à l'auberge, ils firent le point.

    « Ça bouge, il va se passer quelque chose. Il faut qu'on retourne sur place.

    « J'ai l'impression que le chemin contourne le plateau rocheux du temple. Nous allons retourner au temple par la première voie. Il nous faut des armes. »

    « Je m'occupe du matériel, dit Barth. Rendez-vous ici dans deux heures. Pendant ce temps, tiens Charly au courant. »

    Vers trois heures du matin, les deux compagnons étaient sur l'esplanade du temple. La nuit était d'encre et l'entrée de la grotte, gueule béante de la montagne, menaçait dans un cri de pierre figée le silence et les ténèbres. Il fallait entrer. Dans le vestibule, ils prirent un couloir latéral et remontèrent un étroit et sinueux passage qui les mena dans une pièce au-dessus de la salle principale. Par une ouverture pratiquée dans la roche, la vue dominait le lieu sacrificatoire. Au-dessous d'eux, les trois célébrants en tuniques jaunes au symbole du Kraken préparaient les anneaux de fixation sur les deux poteaux de pierre. Les murs étaient garnis de torches. Les ombres projetées des statues des idoles ranimaient la vie des légendes. Le coup de matraque s'abattit en même temps sur leurs têtes. D'abord, c'est la douleur. La conscience ne revient qu'après, mais même avec la conscience, la douleur persiste. Elle vous vrille le crâne. On a envie de se mettre en colère, mais la colère accentue la douleur. Alors on se fait tout petit, on accepte.  Bruno ne vit d'abord que ses chevilles entravées. A ses côtés, Barth gisait inconscient, immobilisé par des liens. Il essaya de mettre de l'ordre dans ses idées, mais la douleur bloquait tout raisonnement. Deux imposantes armoires sans porte occupaient la plus grande partie de la pièce. Une bonne centaine de costumes, longues tuniques jaunes, était stockée sur des cintres. Ce n'est qu'après que Bruno prit conscience de la présence de l'homme. Vêtu d'une tunique jaune, il semblait figé dans la cire. Pas un mouvement, pas un clignement de paupières. Son regard traversait les deux prisonniers sans s'y accrocher. Petit à petit, Bruno s'habituait à la situation. D'abord, il s'en voulut de leur imprudence. Qu'allait-il se passer après ? Que préparait-on ici ? Il était certain d'être au milieu d'événements troubles et importants. Ils avaient perturbé des préparatifs. L'explication lui vint comme un coup de fouet. Ce n'était pas ça. Ce ne pouvait pas être ça ! Ces gens là étaient-ils capables de renouer avec les anciens rites, en avaient-ils les moyens et, surtout, étaient-ils assez monstrueux pour le faire ? Pour la première fois depuis le début de l'aventure, Bruno prit vraiment conscience de la réalité de l'horreur. L'image de l'apparition à peine esquissée dans le miroir à sa première visite au temple lui revint à l'esprit. Il entendit Barthélemy bouger à côté de lui. Il lui laissa le temps nécessaire pour reprendre pied et le mit au courant de ses déductions. Barth parut effondré sous l'effet des révélations. Il se sentait pris dans une énorme machine qu'il ne maîtrisait pas. Une machine prête à le broyer comme une allumette sans espoir de secours d'aucune sorte. Qui pourrait les aider ? Personne ne savait où ils étaient. Personne ne se doutait du drame qui allait se dérouler bientôt dans ces sombres cavernes.

    Le prieur laissa exploser sa colère. Cette maudite femelle essayait de le doubler. Personne ne doublait le prieur. Les deux acolytes chargés de dérober l'anneau avaient échoué. On ne retrouverait jamais leurs corps. Mais cette femme, il en avait encore besoin. Plus pour très longtemps. Il entra dans la salle de préparation et s'approcha de Dynna.

    « Je suis satisfait de ton travail. Cette promotion est très prometteuse. Je pense que c'est la dernière, nous avons assez d'adeptes pour cette phase de notre développement. Je vais pouvoir te récompenser selon tes mérites et te confier d'autres tâches. »

    « C'est un plaisir de travailler avec toi, prieur. La cérémonie approche et l'offrande n'est pas encore prête. Je te demanderai de me laisser terminer.
    Dynna comprit tout de suite la situation. À peine le prieur sorti, elle prit les décisions qu'elle avait prévues en cas d'échec de son plan. »

    « Vous êtes des fouineurs et je ne supporte pas les fouineurs. Le prieur venait d'entrer dans l'antichambre du temple qui servait de vestiaire aux célébrants. Je vous suis depuis quelques temps. Tôt ou tard, j'aurais mis fin à votre curiosité maladive. Votre visite en ces lieux n'a fait qu'accélérer votre fin. Si je comprends bien, notre ordre vous passionne. J'en suis ravi, je suis prêt à vous éclairer sur tous les points obscurs qui vous taraudent encore l'esprit. Avant de vous éliminer définitivement, je vais vous faire un cadeau de premier ordre. Vous allez avoir l'insigne honneur d'assister à la cérémonie la plus ancienne et la plus importante de toute l'histoire de l'humanité. Votre soif de savoir sera satisfaite mais, à la fin, vous serez les acteurs d'un acte supplémentaire. Les membres de notre famille apprécieront ce supplément de spectacle. »

    Une foule compacte emplissait la grande salle du sacrifice lorsqu'on introduisit les deux prisonniers. Neuf personnages à la robe et à la cagoule de pénitents gris occupaient les neuf siéges devant l'ensemble que formaient le monolithe et les deux poteaux de pierre. Sur la partie droite de la scène centrale, les disciples du premier groupe, les initiés de la première heure, occupaient le demi-cercle de gradins. Ils portaient une robe jaune safran brodée du symbole du poulpe. À gauche, la cinquantaine de novices était rassemblée, muette et attentive. Tout autour de l'immense salle, des hommes vêtus de noir montaient la garde. Au fond de la caverne, les sonneurs de trompes et les tambours attendaient. On installa les prisonniers derrière les sièges des prêtres entre deux gardes noirs. Tous attendaient. La lumière des torches fixées sur toute la périphérie de la caverne projetait des lueurs orange et ciselait les ombres, plongeant l'ensemble dans une ambiance dantesque. Sans signal apparent, les tambours se mirent à battre sur un rythme sourd et lent. Le prieur fit son entrée. Il portait la robe jaune sur laquelle un grand poulpe noir étirait ses tentacules. Le silence se fit. Le prieur prit la parole.

    « Frères de Krodenko, nous sommes réunis dans ce lieu sacré pour accueillir nos futurs compagnons, pour les guider et les soutenir afin qu'ils rejoignent le cercle des élus. La puissance de Krodenko consentira dans sa mansuétude à l'arrivée de nos frères en son ordre, mais, pour agir, il réclame le sacrifice de l'offrande. Comme nos aïeux, comme les prêtres de nos pères, nous allons lui offrir le présent qu'il attend. Pour l'entrée de la vierge, que la litanie commence. »

    Les tambours se remirent à battre sur un rythme plus soutenu. Les célébrants commencèrent à psalmodier le chant d'entrée sur des notes aiguës. Du fond de la salle apparut le cortège accompagnant l'objet de l'offrande. Entouré de six gardes, une jeune fille avançait, le regard absent comme dans un rêve. Entièrement nue sous un voile translucide, elle portait des bracelets d'or aux chevilles et un diadème de perles et d'or dans les cheveux. Sa démarche était toute souplesse et harmonie. Elle s'approcha du centre de la scène. Lorsqu'elle fut à la hauteur des poteaux de pierre, elle s'arrêta et les gardes lui fixèrent les mains dans les anneaux de fer. Tous étaient subjugués par la grâce et la beauté de la jeune vierge. Les célébrants chantaient, toujours sur un ton aigu, des paroles dans une langue oubliée, soutenus par le martèlement des tambours. Bruno vivait l'instant comme s'il était spectateur d'une mauvaise pièce. Le frottement du couteau sur ses liens dans son dos le fit réagir. La voie de Dynna murmura à son oreille.

    « Ne dit rien ne fait rien. Attendez l'occasion. »

    Discrètement, il jeta un oeil vers Barthélemy. Par une imperceptible modification de son visage, il sut que lui aussi avait reçu la visite de Dynna. Mais les choses avançaient dans le temple. Le prieur leva les bras. À sa main gauche, l'anneau du Kraken lançait des reflets de lumière froide. Il commença la prière de l'appel d'une voix monocorde reprise par les neuf pénitents. L'œil du miroir devint trouble. L'atmosphère de la caverne changea petit à petit. L'air se chargea d'odeur marine. Une aura de brume environna la pierre d'appel tandis qu'une vague silhouette s'esquissait au centre du miroir. La forme de l'apparition se précisait, se matérialisait ; les contours devinrent nets. La monstrueuse entité sortit du cadre du miroir et prit des proportions importantes. Au milieu de la partie céphalée de l'animal, deux yeux jaunes fendus de noir résumaient toute la froide cruauté de l'instant. Ils étaient rivés dans les yeux de la jeune femme. Le visage ravagé par l'horreur, la fille, secouée de tremblements, comme prise de transe, ouvrait la bouche, mais aucun son n'en sortait. Le Kraken approchait lentement mais inexorablement. L'assemblée, fascinée par l'atmosphère de la scène, respirait d'un seul corps au rythme obsédant des tambours. Les premiers tentacules frôlaient les chevilles de la victime. Le prieur basculait la tête en arrière, noyé dans sa litanie. Le poulpe avançait encore. Ensuite, tout se passa très vite. La langue de feu atteignit le miroir qui se mit à onduler et explosa littéralement dans un claquement assourdissant. Dans un hurlement strident, le grand poulpe fit volte-face, revint vers les pénitents et balaya tout du fouet de ses tentacules. Les gardes noirs, qui avaient détruit la pierre d'appel, retournèrent leurs lance-flammes vers le monstre et firent feu en même temps. L'air vibra. Une odeur de chair brûlée envahit la caverne. Le grand animal fondit lentement dans un cri d'agonie qui se répercutait sur les murs de la salle.

    Barthélemy réagit le premier et immobilisa le prieur au sol. Bruno courut vers la jeune femme évanouie entre les poteaux de pierre et trancha ses liens. Les adeptes, totalement dépassés par les événements, ne réagissaient plus. Ils ressemblaient à une armée d'automates à qui on aurait enlevé leur source d'énergie. Bruno prit la femme dans ses bras et partit la déposer à l'abri dans l'antichambre. À son retour, Barth était allongé par terre, une blessure à la tête. Le prieur avait disparu. Un des gardes noirs lui désigna la sortie du fond. La blessure de Barth passa en priorité dans l'ordre des urgences. Les gardes noirs évacuèrent la foule des adeptes vers l'extérieur du temple. L'un des gardes s'adressa à Bruno.

    « Permettez-moi de me présenter : Lieutenant Prington, en infiltration chez les Frères de Krodenko. Vous nous avez inquiétés, avec votre manie de fourrer votre grand nez partout. Cette opération, nous la préparions et l'attendions depuis deux ans. »

     Un garde apporta un message de l'extérieur. 

    « On vient de trouver le corps de Dynna Bridges dans un couloir du temple, un poignard dans la région du cœur. Pour elle, c'est fini.

    Dans les semaines qui suivirent ces événements, une unité spéciale des services secrets enleva un certain nombre d'ouvrages rares des bibliothèques publiques et de certaines collections privées. Des scientifiques au service du gouvernement récupérèrent les fragments de matière qui constituait la pierre d'appel à des fins d'analyse. D'autres mesures furent prises rapidement. Tous les clubs, associations ou groupements liés de près ou de loin aux Frères de Krodenko furent dissous. L'accès au temple de Providence fut interdit au publique et là encore les services spéciaux menèrent des investigations poussé





    Démarrage difficile

    02/02/2010 11:09





    Rebonjour !!

    Bon,
    apparemment, le texte est tronqué. C'est un péché de jeunesse. Pour la suite, demandez la moi.
    A bientôt public chéri.






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