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Les chroniques de l'impossible
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Les chroniques de l'impossible

VIP-Blog de usus
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  • Créé le : 02/02/2010 05:56
    Modifié : 12/02/2014 14:39

    Garçon (64 ans)
    Origine : Toul
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    retour à Arkham

    02/02/2010 18:24

    retour à Arkham



    Salut public chéri !
    Ci gît la suite de NECRONOMICON
    Qu'on se le dise!

    L'école fonctionna une douzaine d'années, mais les rumeurs sur les activités occultes de son fondateur allèrent bon train et s'amplifièrent. Quand Jerémyas Walconne jugea sa tranquillité trop menacée pour continuer ses activités, il décida de vendre la propriété et partit pour l'étranger. La ville d'Arkham acheta l'ensemble et y installa l'université.

    ***

    Vers cinq heures du soir, Bruno et Barth reprirent le chemin de l'auberge. La salle basse bourdonnait des conversations des clients. La bière coulait à flots. De nombreux groupes animés et buvant sec entretenaient cette ambiance de fin de foire.

    À la table voisine des deux amis, cinq personnages plus bruyants, certainement plus imbibés que les autres, menaient grand train. Les plaisanteries piquetées d'éclats de rire tonitruants perçaient le brouhaha général. L'attention des jeunes gents fut attirée par la scène qui s'y déroulait. L'un des hommes passablement ivres ne semblait plus apprécier les moqueries de ses compagnons. Les quatre autres individus prenaient apparemment beaucoup de plaisir à le faire trébucher et le renvoyer comme une balle chaque fois qu'il se relevait. Plus le jeu durait, plus les rires et les grasses plaisanteries fusaient. Au bout d'un certain temps, le malheureux buveur, vaincu par l'alcool et la véhémence de ses protestations ne résistait même plus. Il était ballotté comme une barque un jour de tempête.

    Bruno regarda Barth. « Je crois qu'il est temps de lui donner un petit coup de main. »

    Les deux amis se levèrent et se mirent en devoir de redresser le buveur. Ils s'apprêtaient à l'accompagner vers la sortie lorsque deux des compagnons de l'homme leur barrèrent le passage.

    « Eh les gars, mêlez-vous de ce qui vous regarde. Personne ne vous a demandé quoi que se soit alors tirez-vous. »

    « Je crois, dit Bruno, que votre ami n'apprécie plus du tout le petit jeu qui vous amuse tant, alors je l'invite personnellement à terminer la soirée dans un endroit plus calme. »

    Les buveurs, interloqués, levèrent les yeux.

    « Si un ou plusieurs d'entre vous ont quelques objections, mon camarade et moi sommes à votre disposition. »

    Devant la détermination des deux hommes, le groupe marqua un temps d'arrêt. Fallait-il relever le défi ?

    Après une minute qui parut interminable, les deux ivrognes jugèrent l'aventure périlleuse et retournèrent à leurs bouteilles.

    A l'extérieur, l'homme semblait retrouver un peu de conscience.

    « Je vous remercie de votre intervention, mais, vous savez, j'ai l'habitude. Le vieux Jones ne vit pas comme eux alors ils n'aiment pas le vieux Jones. Mais ça ne va pas bien loin. Encore merci gentlemen et au plaisir de vous revoir.
    La nuit était tombée. Le vieux Jones se fondit dans le noir d'une ruelle adjacente à L'auberge. »

    « Curieux personnage. »

    « Oui, répondit Bruno, un solitaire. »

    Le lendemain matin, ce fut encore le professeur Worms qui les accueillit, mais ses obligations professionnelles le ramenèrent rapidement vers ses salles de cours.

    Les deux jeunes gens rejoignirent la bibliothèque au premier étage.

    Dynna Bridges, la responsable, les salua et mit à leur disposition un bureau de consultation et le plan des rayonnages où les ouvrages étaient classés par thèmes.

    Le travail de recherche commença. Il fallait tout d'abord faire le tri dans la longue liste des chapitres thématiques. Puis consulter méticuleusement chaque chapitre qui pouvait réunir une centaine d'ouvrages. La grande bibliothèque abritait au bas mot vingt à trente mille pièces. La journée passa rapidement. Puis la journée suivante et les deux autres ne virent pas évoluer les recherches.

    Le découragement gagnait. Bruno, qui avait décidé de conserver une certaine confidentialité sur le but de leurs recherches, se résigna en désespoir de cause à prendre quelques renseignements sur Abdul Alhazred auprès de la responsable bibliothécaire Dynna Bridges.

    Ils trouvèrent celle-ci dans son bureau.

    « Que puis-je faire pour vous être utile, messieurs ? »

    « Nous sommes à la recherche d'un auteur particulier et je dois admettre que par manque d'expérience, nous pataugeons lamentablement. Nous aurions besoin autant de votre grande connaissance de cette mine d'or culturelle que de votre précieux savoir. »

    La bibliothécaire rosit sous le compliment et attendit la suite tout sourire.
    « Nous aimerions trouver des ouvrages d'un écrivain arabe du nom de Abdul Alhazred. »
    Les yeux de Dynna Bridges devinrent plus froids malgré le sourire avenant. 
    « De mémoire, nous n'avons aucun auteur de ce nom ici. »

     « Pourtant, Ron Grand, un ancien élève de votre noble institution m'a assuré avoir consulté ce genre d'ouvrages ici même. »

    « Je ne connais pas de Ron Grand et je vous répète qu'il n'existe aucun volume à ce nom dans cet établissement et, croyez-moi, j'ai la prétention de connaître mon métier. À présent, si vous n'avez pas d'autre besoin, je vous demanderais d'avoir l'obligeance de vous retirer, j'ai beaucoup de travail. »

    Les deux amis sortirent du bureau et se dirigèrent vers le bar du club des élèves au rez-de-chaussée pour prendre un café et faire le point.
    « As-tu remarqué son changement d'attitude lorsque j'ai prononcé le nom d'Abdul Alhazred ? »

    « En effet, elle s'est totalement refermée. Cette femme en sait très certainement plus qu'elle ne veut en dire et ce n'est pas difficile vu qu'elle ne veut rien dire du tout. »

    « Retour à la case départ. »

    La voix s'éleva dans le box contigu.

    « Vous semblez ennuyés gentlemans ? Le vieux Jones peut-il faire quelque chose pour vous ? »

    Le vieil ivrogne les regardait, mais il n'avait plus rien d'un ivrogne.

    « Que diable faites-vous là l'ami ? »

    « Je viens faire une petite pose entre deux rangements. »

    Le vieil homme prit le temps de contourner la séparation de bois et de s’asseoir à la table.

    « Je travaille dans cette vénérable maison depuis bientôt quarante ans. Mais, sans écouter particulièrement votre conversation, j'ai cru comprendre que vous pourriez avoir quelques soucis. »

    « Aussi, je répète : le vieux Jones peut-il faire quelque chose pour vous? »

     « Oh, nous venons de nous heurter à une fin de non recevoir de la part de la responsable de la grande bibliothèque. »

    Jugeant que le bonhomme ne présentait pas de gros risque, mais qu'au contraire son ancienneté dans la maison pourrait leur être d'une quelconque utilité, Bruno se mit en devoir de lui présenter le problème qui les tenait en échec depuis leur arrivée.
    Après l'avoir écouté avec une attention soutenue, le vieux Jones se leva.
    « Gentlemans ! Le caractère particulier de cet entretien mérite qu'on le poursuive dans un endroit plus discret, tout au moins en dehors de l'université. Je vous donne donc rendez-vous à dix heures dans la petite arrière-salle de l'auberge, c'est là que je tue le diable tous les soirs à l'aide d'un vénérable whisky. »

    Bruno et Barth quittèrent l'université avec un peu d'espoir au cœur. Peut-être ce curieux personnage pourrait-il faire avancer les choses ?

    Le soir même, les deux amis se rendirent au lieu dit où les attendait le vieux Jones.

    Il commanda d'autorité trois chopes de bière.

    « J'ai écouté attentivement votre histoire et je la trouve particulièrement digne d'intérêt. J'ai bien connu Ron Grand. C'était un garçon intelligent. Je me souviens que le lendemain du jour de son agression, il y eut un discret mais important remue-ménage à la bibliothèque. Une certaine quantité de livres fut emmenée et ne reparut jamais. Mais le vieux Jones n'est pas né de la dernière pluie, il connaît le pavillon Walconne au fond du domaine. Je vous propose une visite discrète au pavillon et je suis prêt à parier ma prochaine cuite que ce que vous cherchez vous y attend. D'autre part, méfiez vous de Dynna Bridges. Cette femme a de drôles de fréquentations. Il existe à l'université plusieurs clubs d'élèves plus ou moins sympathiques. Mais il en est un particulièrement troublant tant ses activités sont opaques. Ses membres se nomment « Les frères de Krodenko » en référence à une ancienne légende polynésienne. Il n'est pas rare de voir Miss Bridges en compagnie de ces élèves en dehors des cours. »

    Rendez-vous fut pris le lendemain vers sept heures du soir pour une visite au pavillon Walconne. L'heure était particulièrement bien choisie. La plupart des élèves et professeurs étaient occupés à prendre le repas du soir dans les réfectoires.

    Pour quiconque ne connaissant pas parfaitement le domaine, le pavillon Walconne était insoupçonnable. Caché pas un fouillis de végétation à l'extrême limite nord de l'immense parc, sa taille ne dépassait pas le gabarit d'un pavillon de chasse.

    Le vieux Jones se fit fort d'apprivoiser la serrure à l'aide d'un petit appareil métallique. A l'intérieur, l'unique pièce était meublée sobrement. Quatre fauteuils à dossier ouvragé entouraient une table de chêne massif, le tout posé sur un tapis de laine. Une monumentale bibliothèque complétait le mobilier. Bruno ne prit pas le temps d'examiner les lieux et se dirigea directement sur la bibliothèque. Là, entouré d'une vingtaine de volumes hors d'âge, un gros livre à la couverture renforcée dépassait largement la capacité de l'étagère. Sur la couverture de cuir vert sombre, en lettres rouges et or, on pouvait lire Al Azif Ça ne prit pas plus d'une minute. Le volume fut enveloppé d'un linge et enfermé dans un sac à dos. L'instant d'après, une fois la porte refermée, les trois intrus quittaient rapidement les lieux.

    Plus d'un mois s'était passé quand les deux amis se retrouvèrent chez l'oncle Charly. L'ambiance était aux confidences après un bon repas. Dans le salon, autour d'un verre de cognac.

    Bruno prit la parole le premier.

    « Nos divers voyages et le résultat de nos multiples recherches ont porté leurs fruits. Il m'a fallu trois bonnes semaines d'étude et de synthèse pour retracer toute l'histoire. Et quelle histoire ! Mais je vais prendre les choses dans l'ordre chronologique. Tout commence en Mésopotamie voilà environ quatre milles ans. Un berger découvre dans le reg une pierre étrange semblable à un miroir. Connaissant l'existence des météorites, il garda précieusement la pierre, la croyant de nature magique. Un chaman de passage dans le village se vit offrir l'hospitalité par notre paysan. Il remarqua la pierre et fort de son autorité religieuse, se la fit remettre. Il ramena la pierre au temple et l'observa. La pierre semblait réagir à certaines intonations. Cette étude passionna le chaman qui lui consacra toute sa vie. Un jour, une formule faite d'une combinaison d'intonations modulées fit réagir la pierre d'une manière plus spectaculaire. L'ambiance de la pièce se modifia et le Kraken se matérialisa. Au comble de l'horreur, le vieux chaman recula, mais à cet instant, une novice entra dans la pièce, attirée par des bruits étranges. Tout se déroula très rapidement. Les tentacules ligotèrent la jeune fille et l'animal repartit par où il était apparu.
    Remis de ses émotions, le chaman réfléchit à la situation. L'idée d'exploiter cette fantastique découverte mûrit petit à petit.  Il prit son temps pour peaufiner son plan. Il venait de créer une nouvelle croyance, un nouveau culte. Grâce à ce pouvoir, il règnerait désormais sur le village et avec un peu d'ambition, sur la contrée. Et de l'ambition, il n'en manquait pas. Le culte prit forme. Le chaman s'entoura d'adeptes et de serviteurs, ainsi que de soldats. A partit de ce moment, le peuple vécut dans une ambiance de peur perpétuelle. Pour asseoir son autorité, le chaman organisa des cérémonies sacrificielles. On sut très vite que le monstrueux animal n'acceptait en offrande que des jeunes filles vierges. L'offrande devait se renouveler tous les ans. On creusa dans le roc un nouveau temple plus vaste et plus digne de cette nouvelle divinité. Les siècles passèrent. Le culte s'étendit avec la découverte de nouvelles pierres. Au total, cinq pierres d'appel furent trouvées dans les déserts du Moyen-Orient. Cinq temples furent fondés, un par continent. Le temple polynésien, sur une petite île, consacra sa dévotion à Krodenko. Le temple asiatique conserva le nom de Kraken ainsi que le temple européen. En Afrique, on adorait M' FULHIA.
    Le continent australien ne reçut jamais le culte du Kraken bien qu'un temple soit construit au plus profond des déserts. Au huitième siècle, un personnage étudia particulièrement l'histoire du culte du Kraken. Ses contemporains l'appelèrent Abdul Alhazred, l'arabe fou. Il poussa très loin ses recherches et pratiqua également de nombreuses expériences qui lui permirent de rassembler une somme de connaissances qu'il consigna dans un livre Al Azif. Malgré toutes ces années de fouilles, il fut incapable de retrouver la formule d'appel qui faisait apparaître le monstre. Le culte, en fonction des cites géographiques, connut des fortunes diverses. Le temple originel disparut le premier. L'histoire raconte qu'un jour une jeune fille non vierge fut offerte en sacrifice. La société religieuse le paya chèrement. La disparition du temple serait liée à cette erreur. Pendant des siècles, les autres temples prospérèrent, puis l'époque contemporaine vint à bout de quelques-uns d'entre eux. »

    L'oncle Charly qui avait patiemment attendu la fin du récit de Bruno prit la parole.
    « Dés le début de mon travail de recherche, j'ai senti deux types d'influences. Tout d'abord, une sorte de force occulte et puissante qui essayait de freiner mes investigations et brouillait les pistes en faisant mystérieusement disparaître tous les indices susceptibles de m'éclairer. D'autre part, dans l'ombre mais toujours présent, une sorte de soutien anonyme qui renouait systématiquement le fil conducteur lorsque celui-ci paraissait rompu. J'ai tout fait pour éclaircir ce mystère, pour mettre un nom sur celui ou ceux qui m'aidaient indirectement et malgré le peu de renseignements, j'ai découvert un début de piste. Bruno, possèdes-tu encore le message qu'on a glissé dans ta poche à Presre ? Ainsi que celui que tu a découvert dans la doublure du livre chez le vieux bouquiniste ? »

    « Je les ai amenés. Je les ai lus et relus mais je n'en ai rien tiré de plus que ce qu'on voulait que j'y trouve. »

    L'oncle Charly déplia les deux papiers et les défroissa bien à plat sur la table. Ensuite, il plaça le premier papier à la hauteur d'une lampe et l'observa par transparence.
    « Vous pourrez remarquer que ce papier possède un filigrane. Il ne m'a pas fallu longtemps pour reconnaître son origine. Cela va vous surprendre, mais ce papier a été fabriqué pour un client bien particulier, le Vatican. Vous pourrez également constater que le deuxième message est du même cru. L'écriture nous prouve que l'auteur des deux messages est une seule et même personne. Je me suis ensuite demandé si cette personne a utilisé sciemment ce type de papier. Je crois à présent que cet informateur ne souhaite pas se découvrir directement, mais aimerait malgré tout conserver le lien qui nous unit. Mes regards se sont donc portés sur Rome et Saint-Pierre .Les questions suivantes sont : Qui est cette personne ? Comment la trouver ? Pourquoi nous aide-t-elle ? En considérant que le sujet de cette affaire requiert une bonne somme de connaissances et une longue expérience, j'ai supposé que ce mystérieux allié, puisque dorénavant je le considère comme tel, doit être un passionné d'études. Il a certainement accès à une grande quantité de documents, documents parfaitement protégés et confidentiels. Ce genre de renseignements est conservé dans des endroits inaccessibles au commun des mortels. Grâce à quelques relations, j'ai pu mettre un nom sur ce personnage. Si le fil de mes déductions est juste, notre homme est bibliothécaire à la grande bibliothèque du Vatican et s'appelle Don Pablo Storda. »
    « Vous avez fait un travail remarquable, dit Barth, et notre enquête progresse. Quelque chose me dit qu'un séjour en Italie s'impose. »

    « En effet, il est grand temps que nous fassions connaissance de Don Pablo Storda. »

     

    La cité plusieurs fois millénaire s'étendait au regard des trois amis sous l'éblouissant et torride soleil de juillet. L'hôtel Campa del. sol les accueillit. Tout respirait le parfum du tourisme et du farniente en cette fin d'après-midi. Le briefing leur prit deux bonnes heures. Charly et Bruno prendraient rendez-vous avec le responsable des relations publiques de la cité papale, M. Pesinni, sous prétexte de préparer un ouvrage sur le Vatican. La place Saint-Pierre accueillait son contingent habituel de badauds, groupes de religieuses ou visiteurs profanes. Des vendeurs à la sauvette prospéraient à l'abri des rues adjacentes.

    C'est le lendemain vers neuf heures que Charly et Bruno se présentèrent à la porte du secrétariat de M. Pesinni. Un jeune religieux en soutane les reçut fort protocolairement et les introduisit dans le grand bureau de leur hôte.
    « Messieurs, asseyez-vous je vous en prie. Vous avez donc l'intention d'écrire sur notre sainte cité. Mais ne croyez-vous pas qu'avec la multitude d'ouvrages qui lui est déjà consacrée, tout n'ait été dit et redit ? »

    « Qui peut se vanter d'avoir tout dit sur un tel sujet ? Et puis ce qui nous intéresse particulièrement c'est une période encore mal connue de l'histoire, entre autre l'action du saint office et des tribunaux d'inquisition pendant les divers schismes qui ont émaillé la chrétienté au cours des siècles. »

    « Vaste sujet et ô combien délicat. Mais je suis prêt à mettre à votre disposition quelques moyens de recherches non négligeables. Frère Marc, mon premier vicaire, que vous avez croisé dans l'antichambre, va vous diriger vers notre centre de documentation où il vous confiera aux bons soins de don Pablo Storda, notre responsable bibliothécaire. C'est un collaborateur assez particulier qui consacre depuis très longtemps sa vie à la méditation et à l'étude, mais représente, s'il en est, la mémoire vivante de cette maison. Je vous souhaite un bon séjour dans nos murs. »

    Au travers des multiples salles, des longs et antiques couloirs du palais, frère Marc les guida vers le centre de documentation. Un ensemble de quatre vastes pièces abritait de hautes bibliothèques et des bureaux de lecture. Dans la dernière des pièces, un homme debout devant une écritoire consultait un livre.

    Le visage impressionna les visiteurs. Pâle, taillé à coups de serpe, habillé d'une fine moustache, deux lèvres pincées s'effaçaient sous l'intensité d'un regard froid et profond. L'homme vêtu en clergyman, ne détourna pas la tête.

    « Je vous attendais depuis quelques temps. Vous avez pris du retard sur les événements, mais ce n'est ni le lieu ni le moment d'aborder certains sujets. Il existe dans la via Drodche une petite chapelle. Derrière le chœur, j'occupe un bureau où j'aime travailler dans le calme et la discrétion. Je vous y attendrai ce soir à vingt-deux heures. Maintenant, parlons un peu de votre reportage pour crédibiliser votre visite. »

    L'entretien dura deux heures, riches en révélations. Don Pablo Storda pouvait représenter à lui seul toute l'érudition du centre et disserta avec aisance sur toutes les directions qu'ont prises dans l'histoire les multiples schismes, les grandes et petites divisions issues de la longue et complexe saga du christianisme.

    À l'approche de certains sujets, Bruno remarqua que Storda, si prodigue de paroles, si habile de démonstration colorée, s'imposait volontairement des retenues. Il arrêtait la conversation et la détournait vers d'autres directions avec beaucoup de subtilité.

    Don Pablo Storda avait installé son cabinet de travail dans une petite pièce voûtée aux murs de pierres apparentes, à peine éclairée par une minuscule fenêtre.
    Barthélemy, qui accompagnait ses deux amis, fut d'emblée impressionné par la forte personnalité du religieux. Le personnage s'imposait par son calme et une froide mais lucide détermination. Le regard, droit et franc, semblait être le meilleur ambassadeur d'un caractère entier mais ouvert aux autres et toujours à l'écoute.
    « Avant de continuer nos échanges sur l'affaire qui nous intéresse tous, je dois vous éclairer sur ma démarche. Pour bien situer les choses, il faut comprendre que je suis plus proche philosophiquement de Spinoza que de tous les Torquemada de l'histoire. La recherche de la vérité ou plutôt des vérités qui émaillent ça et là la grande aventure humaine m'a amené sur les berges de couloirs sombres, les brèches brumeuses et chaotiques de l'histoire. L'existence de certaines divinités dont l'origine remonte à la nuit des temps nous est connue. Le monde a vécu avant l'arrivée des chrétiens. Mais, si un jour ces rites venaient à reparaître, si des pratiques sinistres et inhumaines redonnaient à certains le goût du mal, alors à terme les hommes seraient en grand danger. Messieurs, c'est exactement ce qui se passe aujourd'hui. Un groupe de fanatiques plus ou moins lucides a découvert par hasard un secret vieux de plus de quatre milles ans. Ces individus, aveuglés par leur folie, sont prêts à déchaîner sur notre monde une des plus grandes et des plus anciennes terreurs qu'il ait été possible de rencontrer. Le caractère matérialiste de nos sociétés a endormi notre méfiance et, fières de notre technologie, maîtrisant à la fois le temps et les distances, nous nous sommes éloignés de notre passé. Nous avons fractionné notre mémoire collective et n'avons conservé dans nos tablettes que ce qui pouvait être en harmonie avec notre vie. Si nous oublions ou négligeons les connaissances du passé, d'autres s'en emparent et en usent pour de bien sombres buts. Durant plusieurs années, j'ai suivi la progression des frères de Krodenko, c'est le nom dont s'est doté ce mouvement occulte. J'ai surveillé leur organisation, espionné leur réunion par personne interposée. Puis mon informateur a été victime d'une faille dans sa couverture et le groupe l'a éliminé. De par ma position, je ne peux pas agir directement sans m'attirer les foudres de mes supérieurs. L'Eglise n'aime pas que l'on s'occupe de ce type de sujet. Elle craint que les médias, toujours friands de sensationnel, ne créent des polémiques qui n'arrangeraient en rien son image de marque. Si je voulais poursuivre mon action contre le groupe, j'avais besoin d'alliés. J'ai appris que d'autres personnes s'intéressaient au problème. Je me suis d'abord assuré que je pouvais vous faire confiance avant de vous orienter discrètement vers moi. Les choses se présentent ainsi. Si votre enquête est motivée par la simple curiosité, je m'effacerai et je vous laisserai continuer votre chemin. Il faut malgré tout que vous soyez conscient de l'importance de l'enjeu. Par contre, si vous êtes décidés comme je le pense à prendre une part active dans la lutte contre cette secte et contribuer à sa destruction, alors je mets immédiatement à votre disposition toutes les informations que j'ai pu recueillir durant ces années, ce qui vous fera gagner beaucoup de temps. »

    Après avoir écouté longuement Don Pablo Storda, Bruno prit la parole :

    « Nous acceptons votre aide précieuse. Je pense que votre correspondant s'appelait Ron Grand. C'est sa mort qui nous a déterminés à poursuivre cette mission et je crois que nous la considérerons comme close lorsque les coupables seront arrêtés et le danger écarté. »

    Storda passa une bonne partie de la nuit à instruire le groupe du résultat de ses longues et fructueuses recherches. On apprit notamment que les frères de Krodenko sont environ une centaine, répartis en deux groupes dont l'un est dirigé par Dynna Bridges. Don Pablo n'a jamais réussi à mettre à jour l'identité du deuxième personnage, qui semblait être le premier manipulateur du groupe. Il connaissait l'existence du temple de Providence mais l'expérience vécue par Barth et Bruno lui avait été riche d'enseignement. Il fallait à présent décider de la marche à suivre et déterminer un plan d'action.

    ***

    Dans son bureau, Dynna Bridges relut le message. De nouveau, elle ressentit une impression pénible comme à chaque missive du prieur. L'allusion aux deux célébrants qu'elle lui avait envoyés était lourde de sous-entendus. Le prieur se méfiait d'elle. S'il avait considéré les célébrants comme des espions au service de Dynna, elle ne se faisait pas beaucoup d'illusion sur leur sort. Le prieur n'était pas homme à partager le pouvoir. Il tolérait Dynna parce qu'il avait besoin d'elle. Il avait besoin d'une antenne dans le monde universitaire, véritable creuset de recrutement. Les adolescents et les jeunes adultes étaient ô combien vulnérables et prêts à s'investir dans le culte si on les mettait en présence de toute la force du mythe. Dynna était la rabatteuse, et lui forgeait les nouveaux adeptes à sa botte, transformant comme tout gourou les crédules en serviteurs soumis et efficaces. La responsable bibliothécaire était une femme d'ambition. Elle connaissait l'histoire des anciens chamans. Leur pouvoir et leur ascension la fascinaient. Pour entrer dans le cercle du prieur, elle l'avait séduit, mais son ascendance sur lui s'était vite inversée. Depuis, le prieur l'utilisait en lui faisant bien comprendre qu'il possédait la puissance avec le pouvoir d'invocation. Nul ne savait qui était ni d'où venait le prieur. Il dirigeait le cercle des adeptes dans l'ombre. Ses apparitions étaient liées aux cérémonies d'accréditations, sortes de grandes messes où, à coups de discours fleuves et de rituels de prières, il verrouillait son ascendance sur ses ouailles. Le prieur tirait son pouvoir de la parfaite connaissance du culte de Krodenko. Le culte régnait en maître absolu sur quelques îles du Pacifique trois siècles plus tôt. Le prieur possédait aussi un sens quasi magique de la psychologie des masses lié à une grande faculté de manipulation. Tout individu qui se présentait au travers de sa route était systématiquement éliminé. Ron Grand en avait fait la tragique expérience. Maintenant, il sentait le courant changer. Les choses bougeaient autour de lui. Des fouineurs étaient passés au site de Providence. Il fallait réagir vite mais, avant, l'attitude de Dynna Bridges l'agaçait prodigieusement. Cette femelle était trop ambitieuse, trop sûre d'elle. Il aurait bien réglé définitivement le problème, mais il avait encore besoin d'elle. Mieux valait endormir sa méfiance et lui donner pour quelques temps un peu de responsabilité. Le prieur avait besoin de temps. La partie engagée depuis quelques mois était loin d'être achevée. Le deuxième groupe était à peine formé par Dynna. Il lui fallait organiser la cérémonie d'appel, trouver la vierge indispensable pour le sacrifice. C'est à ce prix que les novices seront à jamais liés à la secte. La cérémonie a toujours créé le choc psychologique nécessaire et suffisant pour aliéner les individus. À ce propos, Vladislav lui avait remis son rapport sur la quête de la vierge par la voie habituelle. L'enlèvement devait se faire dans l'état du Maine. La victime, choisie après une enquête approfondie, n'avait ni famille ni amis. Au demeurant, personne ne devait s'inquiéter de sa disparition. Vladislav était parfait pour ce genre de mission. Il donna ses ordres et fixa la cérémonie au mois suivant.

    C'est à l'auberge d'Arkham que Bruno et Barth installèrent leur quartier. Il fallait surveiller les faits et gestes de certains élèves membres du club. Ce ne fut pas bien difficile. Les intéressés allaient et venaient librement sans refléter la moindre attitude équivoque. Trois soirs par semaine, tout ce petit monde se réunissait au centre culturel de la ville autour de Dynna Bridges. Malgré une attention soutenue, rien ne trahissait une quelconque activité douteuse dans les habitudes des étudiants. Bruno allait céder au découragement quand, un mardi, il remarqua des têtes nouvelles dans l'assemblée. À la fin de la conférence, il attendit la sortie des spectateurs, mais les deux inconnus se dirigèrent vers Dynna. Ils eurent avec elle une brève conversation et quittèrent ensuite le centre culturel. Dans leur voiture, Bruno et Barth prirent la Chrysler des inconnus en filature. Ils sortirent de la ville par les faubourgs ouest et s'engagèrent dans une zone d'entrepôts déserte. La Chrysler s'arrêta devant un hangar et les deux occupants entrèrent dans le bâtiment. Bruno rangea la voiture à quelque distance. Ils se demandaient encore quelle attitude adopter quand un camion sortit du hangar et prit la route des collines. Bruno crut reconnaître un des occupants de la Chrysler au volant du camion. La filature reprit avec une distance de sécurité. Bruno reconnut la route qui les avait emmenés quelque mois plus tôt sur le site du temple. Après deux heures de route, le camion quitta la voie principale pour emprunter un chemin de traverse. Le paysage changea. Des escarpements rocheux surplombaient le chemin. Le camion roulait maintenant au pas et Bruno redoubla d'efforts pour ne pas être repéré. Puis, au détour d'un virage, des lumières apparurent. Le camion stoppa devant un passage protégé par une herse. Des hommes en armes approchèrent. Ils eurent un bref conciliabule avec le chauffeur et déplacèrent la herse pour ouvrirent le passage. Le camion disparut de la vue. Invisible du barrage, Bruno avait coupé le moteur de la voiture.
    « Mon vieux Barth. Nous n'irons pas plus loin. Les gaillards-là n'ont pas l'air d'enfants de choeur. Je suggère de regagner la ville et de revenir avec de l'équipement pour voir ce qui se passe au bout du chemin. »

    La voiture fut poussée à la main pour faire demi-tour. Ils se laissèrent glisser dans la pente, moteur éteint, et s'éloignèrent du barrage. Quelques minutes après, les hommes de garde fondirent dans les collines.

    De retour à l'auberge, ils firent le point.

    « Ça bouge, il va se passer quelque chose. Il faut qu'on retourne sur place.

    « J'ai l'impression que le chemin contourne le plateau rocheux du temple. Nous allons retourner au temple par la première voie. Il nous faut des armes. »

    « Je m'occupe du matériel, dit Barth. Rendez-vous ici dans deux heures. Pendant ce temps, tiens Charly au courant. »

    Vers trois heures du matin, les deux compagnons étaient sur l'esplanade du temple. La nuit était d'encre et l'entrée de la grotte, gueule béante de la montagne, menaçait dans un cri de pierre figée le silence et les ténèbres. Il fallait entrer. Dans le vestibule, ils prirent un couloir latéral et remontèrent un étroit et sinueux passage qui les mena dans une pièce au-dessus de la salle principale. Par une ouverture pratiquée dans la roche, la vue dominait le lieu sacrificatoire. Au-dessous d'eux, les trois célébrants en tuniques jaunes au symbole du Kraken préparaient les anneaux de fixation sur les deux poteaux de pierre. Les murs étaient garnis de torches. Les ombres projetées des statues des idoles ranimaient la vie des légendes. Le coup de matraque s'abattit en même temps sur leurs têtes. D'abord, c'est la douleur. La conscience ne revient qu'après, mais même avec la conscience, la douleur persiste. Elle vous vrille le crâne. On a envie de se mettre en colère, mais la colère accentue la douleur. Alors on se fait tout petit, on accepte.  Bruno ne vit d'abord que ses chevilles entravées. A ses côtés, Barth gisait inconscient, immobilisé par des liens. Il essaya de mettre de l'ordre dans ses idées, mais la douleur bloquait tout raisonnement. Deux imposantes armoires sans porte occupaient la plus grande partie de la pièce. Une bonne centaine de costumes, longues tuniques jaunes, était stockée sur des cintres. Ce n'est qu'après que Bruno prit conscience de la présence de l'homme. Vêtu d'une tunique jaune, il semblait figé dans la cire. Pas un mouvement, pas un clignement de paupières. Son regard traversait les deux prisonniers sans s'y accrocher. Petit à petit, Bruno s'habituait à la situation. D'abord, il s'en voulut de leur imprudence. Qu'allait-il se passer après ? Que préparait-on ici ? Il était certain d'être au milieu d'événements troubles et importants. Ils avaient perturbé des préparatifs. L'explication lui vint comme un coup de fouet. Ce n'était pas ça. Ce ne pouvait pas être ça ! Ces gens là étaient-ils capables de renouer avec les anciens rites, en avaient-ils les moyens et, surtout, étaient-ils assez monstrueux pour le faire ? Pour la première fois depuis le début de l'aventure, Bruno prit vraiment conscience de la réalité de l'horreur. L'image de l'apparition à peine esquissée dans le miroir à sa première visite au temple lui revint à l'esprit. Il entendit Barthélemy bouger à côté de lui. Il lui laissa le temps nécessaire pour reprendre pied et le mit au courant de ses déductions. Barth parut effondré sous l'effet des révélations. Il se sentait pris dans une énorme machine qu'il ne maîtrisait pas. Une machine prête à le broyer comme une allumette sans espoir de secours d'aucune sorte. Qui pourrait les aider ? Personne ne savait où ils étaient. Personne ne se doutait du drame qui allait se dérouler bientôt dans ces sombres cavernes.

    Le prieur laissa exploser sa colère. Cette maudite femelle essayait de le doubler. Personne ne doublait le prieur. Les deux acolytes chargés de dérober l'anneau avaient échoué. On ne retrouverait jamais leurs corps. Mais cette femme, il en avait encore besoin. Plus pour très longtemps. Il entra dans la salle de préparation et s'approcha de Dynna.

    « Je suis satisfait de ton travail. Cette promotion est très prometteuse. Je pense que c'est la dernière, nous avons assez d'adeptes pour cette phase de notre développement. Je vais pouvoir te récompenser selon tes mérites et te confier d'autres tâches. »

    « C'est un plaisir de travailler avec toi, prieur. La cérémonie approche et l'offrande n'est pas encore prête. Je te demanderai de me laisser terminer.
    Dynna comprit tout de suite la situation. À peine le prieur sorti, elle prit les décisions qu'elle avait prévues en cas d'échec de son plan. »

    « Vous êtes des fouineurs et je ne supporte pas les fouineurs. Le prieur venait d'entrer dans l'antichambre du temple qui servait de vestiaire aux célébrants. Je vous suis depuis quelques temps. Tôt ou tard, j'aurais mis fin à votre curiosité maladive. Votre visite en ces lieux n'a fait qu'accélérer votre fin. Si je comprends bien, notre ordre vous passionne. J'en suis ravi, je suis prêt à vous éclairer sur tous les points obscurs qui vous taraudent encore l'esprit. Avant de vous éliminer définitivement, je vais vous faire un cadeau de premier ordre. Vous allez avoir l'insigne honneur d'assister à la cérémonie la plus ancienne et la plus importante de toute l'histoire de l'humanité. Votre soif de savoir sera satisfaite mais, à la fin, vous serez les acteurs d'un acte supplémentaire. Les membres de notre famille apprécieront ce supplément de spectacle. »

    Une foule compacte emplissait la grande salle du sacrifice lorsqu'on introduisit les deux prisonniers. Neuf personnages à la robe et à la cagoule de pénitents gris occupaient les neuf siéges devant l'ensemble que formaient le monolithe et les deux poteaux de pierre. Sur la partie droite de la scène centrale, les disciples du premier groupe, les initiés de la première heure, occupaient le demi-cercle de gradins. Ils portaient une robe jaune safran brodée du symbole du poulpe. À gauche, la cinquantaine de novices était rassemblée, muette et attentive. Tout autour de l'immense salle, des hommes vêtus de noir montaient la garde. Au fond de la caverne, les sonneurs de trompes et les tambours attendaient. On installa les prisonniers derrière les sièges des prêtres entre deux gardes noirs. Tous attendaient. La lumière des torches fixées sur toute la périphérie de la caverne projetait des lueurs orange et ciselait les ombres, plongeant l'ensemble dans une ambiance dantesque. Sans signal apparent, les tambours se mirent à battre sur un rythme sourd et lent. Le prieur fit son entrée. Il portait la robe jaune sur laquelle un grand poulpe noir étirait ses tentacules. Le silence se fit. Le prieur prit la parole.

    « Frères de Krodenko, nous sommes réunis dans ce lieu sacré pour accueillir nos futurs compagnons, pour les guider et les soutenir afin qu'ils rejoignent le cercle des élus. La puissance de Krodenko consentira dans sa mansuétude à l'arrivée de nos frères en son ordre, mais, pour agir, il réclame le sacrifice de l'offrande. Comme nos aïeux, comme les prêtres de nos pères, nous allons lui offrir le présent qu'il attend. Pour l'entrée de la vierge, que la litanie commence. »

    Les tambours se remirent à battre sur un rythme plus soutenu. Les célébrants commencèrent à psalmodier le chant d'entrée sur des notes aiguës. Du fond de la salle apparut le cortège accompagnant l'objet de l'offrande. Entouré de six gardes, une jeune fille avançait, le regard absent comme dans un rêve. Entièrement nue sous un voile translucide, elle portait des bracelets d'or aux chevilles et un diadème de perles et d'or dans les cheveux. Sa démarche était toute souplesse et harmonie. Elle s'approcha du centre de la scène. Lorsqu'elle fut à la hauteur des poteaux de pierre, elle s'arrêta et les gardes lui fixèrent les mains dans les anneaux de fer. Tous étaient subjugués par la grâce et la beauté de la jeune vierge. Les célébrants chantaient, toujours sur un ton aigu, des paroles dans une langue oubliée, soutenus par le martèlement des tambours. Bruno vivait l'instant comme s'il était spectateur d'une mauvaise pièce. Le frottement du couteau sur ses liens dans son dos le fit réagir. La voie de Dynna murmura à son oreille.

    « Ne dit rien ne fait rien. Attendez l'occasion. »

    Discrètement, il jeta un oeil vers Barthélemy. Par une imperceptible modification de son visage, il sut que lui aussi avait reçu la visite de Dynna. Mais les choses avançaient dans le temple. Le prieur leva les bras. À sa main gauche, l'anneau du Kraken lançait des reflets de lumière froide. Il commença la prière de l'appel d'une voix monocorde reprise par les neuf pénitents. L'œil du miroir devint trouble. L'atmosphère de la caverne changea petit à petit. L'air se chargea d'odeur marine. Une aura de brume environna la pierre d'appel tandis qu'une vague silhouette s'esquissait au centre du miroir. La forme de l'apparition se précisait, se matérialisait ; les contours devinrent nets. La monstrueuse entité sortit du cadre du miroir et prit des proportions importantes. Au milieu de la partie céphalée de l'animal, deux yeux jaunes fendus de noir résumaient toute la froide cruauté de l'instant. Ils étaient rivés dans les yeux de la jeune femme. Le visage ravagé par l'horreur, la fille, secouée de tremblements, comme prise de transe, ouvrait la bouche, mais aucun son n'en sortait. Le Kraken approchait lentement mais inexorablement. L'assemblée, fascinée par l'atmosphère de la scène, respirait d'un seul corps au rythme obsédant des tambours. Les premiers tentacules frôlaient les chevilles de la victime. Le prieur basculait la tête en arrière, noyé dans sa litanie. Le poulpe avançait encore. Ensuite, tout se passa très vite. La langue de feu atteignit le miroir qui se mit à onduler et explosa littéralement dans un claquement assourdissant. Dans un hurlement strident, le grand poulpe fit volte-face, revint vers les pénitents et balaya tout du fouet de ses tentacules. Les gardes noirs, qui avaient détruit la pierre d'appel, retournèrent leurs lance-flammes vers le monstre et firent feu en même temps. L'air vibra. Une odeur de chair brûlée envahit la caverne. Le grand animal fondit lentement dans un cri d'agonie qui se répercutait sur les murs de la salle.

    Barthélemy réagit le premier et immobilisa le prieur au sol. Bruno courut vers la jeune femme évanouie entre les poteaux de pierre et trancha ses liens. Les adeptes, totalement dépassés par les événements, ne réagissaient plus. Ils ressemblaient à une armée d'automates à qui on aurait enlevé leur source d'énergie. Bruno prit la femme dans ses bras et partit la déposer à l'abri dans l'antichambre. À son retour, Barth était allongé par terre, une blessure à la tête. Le prieur avait disparu. Un des gardes noirs lui désigna la sortie du fond. La blessure de Barth passa en priorité dans l'ordre des urgences. Les gardes noirs évacuèrent la foule des adeptes vers l'extérieur du temple. L'un des gardes s'adressa à Bruno.

    « Permettez-moi de me présenter : Lieutenant Prington, en infiltration chez les Frères de Krodenko. Vous nous avez inquiétés, avec votre manie de fourrer votre grand nez partout. Cette opération, nous la préparions et l'attendions depuis deux ans. »

     Un garde apporta un message de l'extérieur. 

    « On vient de trouver le corps de Dynna Bridges dans un couloir du temple, un poignard dans la région du cœur. Pour elle, c'est fini.

    Dans les semaines qui suivirent ces événements, une unité spéciale des services secrets enleva un certain nombre d'ouvrages rares des bibliothèques publiques et de certaines collections privées. Des scientifiques au service du gouvernement récupérèrent les fragments de matière qui constituait la pierre d'appel à des fins d'analyse. D'autres mesures furent prises rapidement. Tous les clubs, associations ou groupements liés de près ou de loin aux Frères de Krodenko furent dissous. L'accès au temple de Providence fut interdit au publique et là encore les services spéciaux menèrent des investigations poussé





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